dimanche 27 mars 2022

Hommage Marie-Thérèse Brau : Toujours parmi nous

 





Mon intervention lors de l’hommage rendu à Marie-Thérèse Brau, le samedi 26 mars, à la maison diocésaine, à l’occasion du 40ème jour 

 

J’ai connu Marie Thérèse à l’âge de 5 ans, j’en ai aujourd’hui 65. Elle a été pour beaucoup de jeunes garçons et filles du quartier de Leveilley, à Hussein Dey, notre premier maître, celui qui a mis entre nos mains les premiers livres, avec qui l’on a découvert les premiers jouets, celui qui transmet des valeurs. Si elle est restée notre premier maître pour toujours, cela ne tient pas au hasard de la chronologie, mais à l’exemplarité. Et quoi de plus exemplaire que le parcours de Marie-Thérèse qui a choisi, à l’indépendance, de rester parmi nous et de continuer l’action sociale menée par des chrétiens sociaux engagés qui entouraient le père Scotto.

Son dispensaire, installé au lieu-dit Carana, entre les quartiers de Leveilley (Maqaria aujourd’hui) et de oued-ouchayeh, a servi pour nous de jardin d’enfants ou de classe préparatoire à l’entrée à l’école. Aujourd’hui encore, quand je passe devant ce dispensaire, j’entends dans ma tête le formidable éclat de rire de Marie-Thérèse, ce rire si plein de vie et si entraînant. Ce serait d’ailleurs la bonne manière de se souvenir d’elle, et cela lui plairait sans aucun doute.  

Son rire, contagieux, dégage de l’énergie, il entraîne. Cette femme faisait ce qu’elle pensait être juste avec une douce mais solide détermination.  On l’imagine volontiers dire de sa voix bourrue, après un de ses fameux rires : « écoute mon fils, cette chose-là est impossible, mais nous allons la faire, n’est-ce pas ? »

Car c’est cela Marie-Thérèse, un entêtement plein de bonhomie, de tendresse et d’amour pour les plus pauvres, pour ceux dont le handicap était devenu pour les parents, non seulement une peine mais quelque chose de honteux qu’il faut impérativement cacher. Marie-Thérèse a donné, dans le cadre de son travail, puis de l’association d’entraide populaire familiale, une visibilité à ces enfants, elle a aussi libéré leurs parents de la honte déplacée qu’ils ont pu éprouver à cet égard. Elle a fait comprendre que leurs enfants méritent d’être aimés et qu’ils peuvent en être fiers. Les regards sur le handicap ont bien évolué dans notre pays, même s’il reste encore beaucoup à faire. Marie-Thérèse fait partie de ceux qui ont contribué à ce changement de regard.  

Cette femme d’action ne s’est pas contentée de compassion, elle a été une faiseuse de solution. Nous sommes souvent dans une situation de compassion sans savoir ce que nous pouvons faire. Marie-Thérèse Brau était, elle, une magnifique faiseuse de solution et elle avait une capacité d’entrainement remarquable. Elle amenait les gens à réaliser ce qu’ils croyaient être incapables de faire. Ces centres que gère l’association d’entraide populaire familiale pour accompagner des centaines de handicapés mentaux et les préparer à l’autonomie et au travail sont l’un des fruits de son engagement sans limite pour les plus faibles, les plus démunis, pour ceux qu’on avait plus tendance à cacher qu’à aider.

J’ai assisté à plusieurs reprises à la journée spéciale organisée généralement chaque 1er mai où les fruits des travaux réalisés par les jeunes handicapés étaient exposés et vendus. Ce jour-là, on pouvait sentir dans l’air une joyeuse vibration, on pouvait sentir la fierté des parents et on pouvait voir la reconnaissance et l’amour qu’ils expriment à Marie-Thérèse.

Il y a une expression en arabe, Sadaka Jariya, que l’on pourrait traduire par un don charitable qui continue à servir les gens après la mort de son initiateur. Tout le travail de Marie-Thérèse Brau est une sadaka jariya.  Elle fait partie de ces êtres dont l’empreinte, l’aura et l’action sont infiniment plus longs que leur passage sur terre. Comme si leur action et leur bonté les maintenaient fortement présents parmi nous d’une multitude de façons.

Marie-Thérèse Brau fait indéniablement partie de ces bienheureux. Elle a semé par sa bonté et par son extraordinaire disponibilité pour les humbles.  Dans un très beau poème, René Char disait à l’être aimé : «comment pourrais-je jamais vous oublier puisque je n’ai pas à me souvenir de vous : vous êtes le présent qui s’accumule. ».

Nous n’avons pas besoin de nous souvenir de Marie-Thérèse, elle est et sera encore pour beaucoup d’entre nous un présent qui s’accumule. Et pour sentir sa présence, il suffit, je pense, de sourire, de fermer les yeux et d’écouter son bel éclat de rire.


jeudi 17 février 2022

Le premier maître (à Marie-Thérèse Brau)

 





Tout penauds d'avoir été occupés pendant si longtemps par les illusions que fabrique un système imbécile et par ses saltimbanques à la petite semaine, nous sommes allés lui rendre visite. Elle était toujours là, solide comme un roc.

“Là” ce n'était pas un quartier chic, “là” c'est le territoire où le système a abandonné les hommes, les femmes et les enfants tout en entretenant son comptant de Kasmas et de Mokhaznis. “Là” fut également le territoire de la guerre où des enfants se sont heurtés aux murs et sont devenus cinglés. 

Là, elle est pourtant restée.

Solide, fidèle, toujours pleine d'humour, comme nous l'avions connue enfants, toujours pleine de cette bonté qui a illuminé tant de cœurs. Là, elle est restée, entre Maqaria (Leveilley), La Glacière et Pélem. Dans ces territoires de la frustration, dans cette plaie où une partie du pays se sentait trahie, où une partie du pays a cru être sans pays.

Marie-Thérèse Brau est restée et les gens lui rendent grâce.  Même quand des membres d'un groupe armé ont forcé son local entre l’Oued et Leveilley pour prendre des outils, ils se sont crus obligés de dire au gardien: “dis à Marie-Thérèse que nous ne sommes pas des voleurs!”

Les gens avaient si peur pour elle durant ces années imbéciles et rouges. Ils lui ont même conseillé de prendre un peu de distance. Mais  elle est demeurée dans ce quartier. Elle y a fait depuis si longtemps sa vie de femme d'exception et elle continue de la faire. Elle continue de batailler, dans la douceur, pour arracher quelques locaux qu'elle met au service des plus démunis parmi les plus démunis, les handicapés mentaux. 

Elle pourrait vous en raconter des vertes et des pas mûres sur les responsables,  sur les édiles locaux, sur leur inconscience devant l’ampleur du mal et leur cruelle ignorance. Pourtant, elle ne le fait pas. Elle préfère raconter des histoires simples, vécues avec des gens simples à la générosité abondante. 

Comme celle d’un homme qui trouve Marie-Thérèse occupée à préparer et à installer des équipements pour la rééducation des handicapés. Il l’entend dire qu'il manque un miroir pour que les jeunes handicapés puissent se regarder faire les exercices. Elle le voit venir, une demi-heure plus tard, après le porte-miroir de sa garde-robe dans les mains. Sa femme n’avait qu’à mettre un voile à la place de la porte manquante

Ce sont ces histoires vraies, faites par des fois des hommes et des femmes vrais qu’aime Marie-Thérèse. Cette femme est si incroyablement vraie, si juste, que tous les gens de Leveilley, La Glacière, Bobsila… lui rendent grâce d'avoir été un jour sur leur chemin.

Elle est encore là, dans cette association d'entraide populaire familiale qui fait lentement des petits, toujours à essayer d'arracher quelques locaux, quelques petits chouias à des responsables insensibles. 

Cette femme-là, c'est de l'or pur! Cette femme fut, pour nous garnements de Leveilley, de l’Oued et tant de quartiers populaires, notre Premier maître. Et quand on la rencontre et qu'on la trouve, encore alerte, en train de servir les plus pauvres parmi les pauvres, on se rend compte qu'elle ne cessera jamais d'être notre maître.


Publié en 2007 dans Le Quotidien d’Oran (Raina Raikoum) et 24H Algérie le 17.02.2022




vendredi 25 septembre 2020

Le “possible” de Hamrouche face à la “surdité” du pouvoir’

 

par Nadjib Belhimer



Le lecteur des contributions des précédentes contributions de l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, constatera que les avertissements contenus dans le texte publié aujourd’hui (24 septembre 2020) par le journal El Khabar se répètent à chaque fois. Là également, il consacre la plus grande partie de son analyse à corriger ce qu’il considère comme un manque de compréhension et d’assimilation de la réalité des crises et des risques encourus par l’Etat. Son diagnostic de la situation actuelle et son discours sur les libertés servent d’introduction à une proposition politique adressée à ceux qui détiennent le pouvoir aujourd'hui. 


La proposition se trouve dans le passage suivant: “Chacun a le droit d’espérer, de proposer, d’ambitionner ou d’augurer, mais en matière de souveraineté, d’Etat et de gouvernement, seuls, la clarté d’un énoncé, le réel et le possible comptent. D’où l’indissociable exigence d’un exercice intelligible de la politique et de son art du possible. Les processus d’élaboration de consensus et de réalisation de compromis sont des legs de cet art, combinés avec l’audace de la conviction et le courage de la lucidité.

Un processus politique est une volonté, un choix et une finalité. Une fois engagé, il vit de sa propre dynamique pour atteindre son but sans créer de vide d’autorité. Il permet de restaurer la confiance, de bénéficier d’apports et de soutiens nouveaux, de rendre les liens et rapports sociopolitiques plus évidents sans nier les divergences”.


Plusieurs éléments sont à relever dans ce passage:


1- La solution doit se fonder sur les réalités de la situation, elle doit donc être réaliste.

2 -  L’objectif doit être la mise en œuvre d’un processus de consensus politique fondé sur le compromis.


3 - Que la solution soit le produit d’une dynamique politique propre au processus engagé. Ce qui signifie que les résultats ne sont pas préalablement fixés et ne sont pas imposés par une partie (la partie qui impose dans cette situation étant le pouvoir). Cela signifie également qu’il n’existe pas un plan prêt à être exécuté, mais un dialogue global et ouvert qui produit un plan.


4 - Il ne sera pas nécessaire de créer un vide dans le pouvoir. Cela signifie que la solution ne comporte pas comme condition la remise en cause des résultats du choix du pouvoir imposé dès le début du Hirak et qui a aboutit à l’installation de Abdelmadjid Tebboune comme président. 


5 - L’objectif recherché est que la majorité des Algériens s’engagent dans ce processus dont la finalité est de construire un système de pouvoir sur de nouvelles bases et de manière consensuelle.


Cette proposition de Mouloud Hamrouche n’est pas une nouveauté. Il avait déjà souligné précédemment la nécessité de trouver une solution loin des élections et de l’idée d’une période de transition. Cela découle de sa lecture de la nature du système de pouvoir et des forces qui y sont influentes : les élections n’ont pas résolu les crises du système de pouvoir par la passé car elles ne constituent pas, dans le cas de l'Algérie, un mécanisme de changement ou d’arbitrage; quant à la période de transition, elle suscite les craintes du pouvoir d’un “vide” comme cela est apparu dans sa manière de gérer la situation après la révolution pacifique. 


Là, Hamrouche fait une proposition spéciale pour la mise en œuvre d’un processus réel et conscient fondé sur la participation de tous, sans exclusion, pour parvenir à un consensus, sans pour autant revenir à la situation d’avant les élections du 12/12.


Avant d’arriver à cette proposition, Mouloud Hamrouche dresse un état des lieux alarmant de la situation présente qu’il résume ainsi: “une situation de vide politique et organisationnel outrageant qui risque de nous engloutir. Aucune structure politique ou institutionnelle n’est réactive et crédible, hormis les forces de sécurité et les administrations pérennes et territoriales (instruments de la loi). Aucune force partisane ou organisation syndicale ne jouit de légitimité organique avérée ni de représentation sociale évaluée, y compris celles qui s’auréolent de mythes révolutionnaires ou se flattent de leurs rôles et apports passés. Aucune structure économique et financière non plus n’est capable d’impulser ou de peser de manière décisive sur le devenir économique du pays”.


Cette description, notamment celle relative au vide politique et organisationnel, est sans doute ce qui conduit Hamrouche à penser que la solution la plus sûre doit venir de l’intérieur du pouvoir à la condition qu’elle soit réaliste: et le réalisme, ici, signifie la prise en compte des données produites par le Hirak, de la réalité de l’échec durable dont souffre le pouvoir exécutif à tous les niveaux, de son échec à résoudre la crise de légitimité à travers des solutions unilatérales imposées: et aussi du fait que la seule garantie de la cohésion et de l’unité de l’armée est le peuple ainsi que le Hirak l’a démontré. 


Comment un tel processus pourrait être possible et fructueux? D’abord, selon Hamrouche, en corrigeant le regard sur les libertés et en les considérant comme une garantie de la pérennité de l’Etat et sa protection contre les ingérences.  Il faut donc changer de regard sur les libertés, les contre-pouvoirs et le contrôle qui  sont essentiels pour la pérennité de la sécurité de l’Etat, pour sa stabilité et la protection des responsables et des dirigeants des risques de déviation et pour immuniser l’Etat contre les ingérences étrangères. 


Ce sont les libertés qui permettent à la société de s’organiser permettant à la dynamique politique découlant du processus à enclencher de construire une solution consensuelle basé sur un compromis.

Hamrouche semble fidèle à sa vision d’un changement de l’intérieur du régime et il ne se lasse pas à réitérer ses avertissements et son appel à engager un processus réel de changement du système de pouvoir et à le construire sur des bases saines. 


Il nous met de ce fait face à une autre question: existe-t-il des possibilités de voir le pouvoir répondre à cette proposition?  


La réponse ne se construit pas sur des visions théoriques mais plutôt sur les précédents du pouvoir en matière de réponse aux offres et propositions qui lui ont été faites, y compris les idées de Hamrouche lui-même. 


Et là, il faut admettre que le pouvoir ne donnera pas de réponse, non parce qu’il n’est pas d’accord avec la proposition, mais parce qu’il ne dispose pas des mécanismes d’écoute et de réflexion pour des solutions, en dehors des réactions mécaniques qui se mettent en branle à chaque crise et qui se résument en trois séquences (destitution de responsables, puis organisation d’élections et adoption d’une nouvelle constitution).


Hamrouche n’a rien à donner en contrepartie au pouvoir et contrairement aux assertions de ses nombreux accusateurs, il n’attend rien du pouvoir. Mais sa vision est fondée sur l’acceptation du fait accompli imposé par le pouvoir pour aller de l’avant dans un autre processus.


Cela comporte un risque car la conception qu’à le pouvoir de la force et sa vision du rapport de forces l’amènent à réduire la réalité à ce qu’il a imposé par la force. Cela signifie la possibilité de vider tout processus de toute substance à mi-chemin. Ce dont il a d'ailleurs mis en garde en soulignant qu’un  “processus de consensus ou de compromis, une fois engagé, peut être suspendu, mais ne peut être inversé, même submergé par des déviations, des surenchères et des prétentions”.


Reste un autre point. L’extrémisme qui marque le comportement du pouvoir le place dans une situation de rupture totale vis à vis de la société. C’est une situation inquiétante dans un contexte politique et économique critique dont on ne peut conjurer les risques que par un retour à la politique en tant qu’art du possible.


Le texte de Nadjib Belhimer en langue arabe


La contribution de Mouloud Hamrouche:

En arabe - El Khabar

En Français - El Watan


samedi 19 septembre 2020

Cinquante hourras pour Radio Corona!

 

Pour écouter la 50ème émission cliquez

Salam aleykoum.

Il n’y a rien de bon dans le Coronavirus, absolument rien, contrairement à ce que soutiennent ceux qui croient avoir de l’esprit. La seule chose bonne dans le coronavirus, c’est peut-être la nature qui a pris un peu de repos durant le confinement, encore que là, les humains se sont vite rattrapés avec le déconfinement. Les niveaux de pollution ont repris assez rapidement...

Alors autant le dire, la seule chose vraiment bonne dans le Coronavirus, c’est Radio Corona internationale qui fête aujourd’hui sa 50ème émission. C’est un bienfait durable déjà, cette émission. En attendant qu’elle devienne une radio à plein temps, une radio qui chagrine à plein temps les éternels rabats joies, vous savez ceux qui ne font absolument rien à part taper sur ceux qui essaient de faire quelque chose. 

Un vieil ami que j’ai perdu de vue depuis la fin des années 80 – salut à toi Abbas je sais que tu es quelque part, loin d’Alger, et toujours souriant -, ce vieil ami avaient l’habitude de dire à ceux qu’ils aimaient : « wallah nhabbak mena hata lachine populaire »  

Pour Radio Corona Internationale, cela va de soi. Nhabouha jusqu’à la Chine Populaire, ce pays qui nous rappelle la “longue marche” et donc l’impératif de ne pas désespérer. C’est aussi le pays où s’est manifestée, pour la première fois, la bête, celle qui a  contraint les Algériens qui battaient pacifiquement le pavé à lever le pied et à essayer de penser comment mener autrement l’inexorable marche vers les libertés, vers un État aussi fort et aussi sérieux que ne l’ont rêvé les militants du mouvement national et les combattants de la révolution.  

N’habouha aussi de Hussein-Dey à Providence, là où Abdallah  Benadouda a eu l’éclair de génie providentiel de lancer cette Radio au nom improbable. J’ai passé la phrase par Google Translate, cela a donné “a flash of providential genius”. Sacré flash quand même!

Contre-Khota contre la déprime

En réalité, la dénomination de Radio Corona n’est pas l’éloge du virus mais la contre-khota contre la déprime qui accompagne le confinement, l’inaction, la limitation du mouvement. C’est une contre-khota importante, celle qui entretient la belle flamme alors que dans un étrange renversement certains essaient de rendre les Algériens coupables de la répression qu’ils subissent. 

Comme l’a écrit le brillant journaliste qu’est Nadjib Belhimer: “A chaque décision injuste, chaque pas du pouvoir dans la mauvaise direction les prétendument  rationnels et réalistes se livrent à des procès qui ne sont pas moins durs que ceux qui sont subis par les détenus d’opinion…. Rapidement, les condamnations tombent pour avoir vendu de “l'illusion” et  aussi pour ridiculiser  les rêves de ceux qui ont cru pouvoir changer le régime par des marches “spectacle” une fois par semaine”. Nadjib Belhimer est vraiment un journaliste à lire. 

Radio Corona est donc cette contre-khota contre la déprime qu’on essaie de distiller chez les Algériens. Elle fait rire, pleurer, danser, chanter mais elle rappelle aussi, par son existence même, que les Algériens savent déjà ce dont ils ne veulent plus, qu’ils continueront à vouloir créer les conditions pour s’entendre sur ce qu’ils veulent. C’est pour cela que les auditeurs et les contributeurs de Radio Corona incarnent bien cette Algérie qui veut naître et renouer avec les rêves des anciens, la liberté, les libertés dans le cadre d’un Etat juste, d’un État sérieux.  C’est pour cela que dès la fin d’émission du mardi, ils se mettent à attendre le vendredi et ainsi de suite. 

Radio Corona me donne l’immense plaisir à entendre Kamal Almi qui voit plein de choses même dans une houma khalia et qui, quand il s’échauffe, me restitue l’image de ce que sont "les ancêtres qui redoublent de férocité", tel que les imaginait Kateb Yacine. Et puis quel bonheur de voir les talents qui s’y expriment. Cela me rassure. Nous rassure. 

Dans une vieille discussion entre moi et Kamal, je lui ai dit en reprenant une parabole footballistique que le seul rôle que peut encore s’attribuer notre génération, c’est celui de passeur, pas celui du buteur.  Et que la pire des choses serait que notre génération transmette aux jeunes nos vieilles querelles. Ces jeunes qui s’expriment sur Radio Corona sont brillants, chaleureux, inventifs,… ils n’ont pas besoin des vieilles disputes. Ils ont un monde à créer et à faire. Radio Corona en fait indubitablement partie.

Liberté pour les détenus d’opinion!



lundi 27 juillet 2020

ماري تيريز برو،"لاسورات"، أخية الأحياء الشعبية

ماري تيريز برو - 1 مايو 2018

بين حسين داي، ليڨيي، واد أوشايح، لاڨلاسيار وبوروبة، عندما ننطق اسمها، نفعل ذلك باحترام. هي امرأة خيرة، تعودنا على القول بأنها "مولات خير". انها " لاسورات"، الأخية. كنا نسميها هكذا وما زلنا نسميها هكذا. اسمها ماري تيريز برو، إنها امرأة استثنائية وليس في الوصف أدنى مبالغة.

ولدت ماري تيريز سنة 1934 بحسين داي، شارع قسنطينة، الذي سيصبح مع الاستقلال شارع طرابلس. هي تنتمي إلى تلك الفئة من المسيحيين التقدميين من أصول أوروبية الذين صدمهم الفقر المدقع الذي كان يقبع فيه الجزائريون، فانخرطوا في العمل الاجتماعي. منهم، الأب جان سكوتو، وهو الآخر ينحدر من حسين داي، والذي سيصبح بعد الاستقلال أسقفا لقسنطينة وعنابة، أي الخليفة المتأخر للقديس أوغسطين؛ وأيضا بيار شولي، والذي تزوج من كلودين، في كنيسة القديس جان في حسين داي، وقد أشرف على عقد القران جان سكوتو نفسه.

هؤلاء المسيحيون، مثل القس دوفال وآخرون، أبطال بأتم معنى الكلمة. لقد واجهوا وتجاوزوا  الحتميات الاجتماعية، والدينية والمجتمعية دفاعا عن الإنساني،  عن الكوني. نحن محظوظون أن يكون لنا في تاريخنا، الذي يجب أن نتعرف عليه أكثر من أي وقت مضى، رجال ونساء من أصول أوروبية كانوا مثالا في رفض الانكفاء على الذات ومدافعين عن رؤية سخية، منفتحة وأخوية للجزائر.

ماري تيريز، ابنة حسين داي، ستكتشف، عند مرافقتها لوالدتها، الممرضة، البؤس المطلق السائد في حي واد أوشايح القصديري. حينها انخرطت في العمل الاجتماعي، وكان ذلك نهائيا ولم تتوقف إلى يومنا هذا. ورغم تهديدات الجيش الفرنسي للمسيحيين التقدميين، المشتبه في دعمهم لجبهة التحرير الوطني، وبعدها أعمال العنف التي اقترفتها منظمة الجيش السري، فإنها لم تتراجع. في سنة 1960 انضمت إلى جمعية التكافل الشعبي العائلي، وما زالت فيها إلى اليوم.  

لسماع التدخل في راديو كورونا . انقر هنا

مع الإستقلال، كانت في المكان المسمى كارانا، بين ليڨيي وواد أوشايح، حيث كنا نلعب مباريات ملحمية في كرة القدم. هناك كان، ولا يزال، المركز الصغير لماري تيريز. مبان صغيرة من البناء الجاهز محاطة بحديقة متميزة كان يعتني بها السيد بوزيان، رجل صلب، قليل الكلام، لكنه مدمن على العمل. كان مستوصفا،  ونوعا ما روضة أطفال . عندها قرأت أول كتاب في حياتي.

مع الوقت أدركت ماري تيريز أن العائلات تخفي أطفالها المصابين بإعاقات ذهنية وكأنهم عار. قررت أن تتكفل بالأمر، حسب روحها العنيدة. قامت بإحصاء هؤلاء الأطفال المخفيين وفتحت، في مركزها، أول قسم لمحو الأمية المكيفة مع الإعاقة. نجحت في تغيير نظرة العائلات. اتسع نشاطها وتحول إلى نموذج. لكن الجمعية رفضت أيضا إهمال هؤلاء الأطفال عندما يصيرون بالغين وبدأت في إنشاء مركز للمساعدة على العمل. خمسة مراكز للمساعدة على العمل تم إنشاؤها، بوروبة، بوبصيلة، حسين داي... أكثر من 400 شاب رافقتهم الجمعية بمشاركة الأولياء. 

مع بداية شهر ماي من كل سنة، تنظم الجمعية يوما لبيع المنتجات الممتازة من عمل المعاقين. في سنة 2019، كانت ماري تيريز التي خضعت الى عدة عمليات جراحية في الجزائر ثم في فرنسا، حاضرة. لقد ابهرني العدد المدهش لأولياء هؤلاء المعاقين الذين كانوا يمرون سريعا بمكتبها فقط ليقولوا لها: نحبوك. "نحن نحبك".

سعيد! احذر أنا لست قديسة"، هذا ما قالته لي بصوت جهوري وهي تطلق ضحكتها الصاخبة. لا أدري إن كانت ماري تيريز قديسة، لكن بالنسبة لكثير من نساء ورجال الأحياء الشعبية، هي بركة حقيقية. ثلاثة أجيال من الجزائريين على الأقل في هذه الأحياء عرفوها واحترموها لإصرارها على فعل "ما يجب" لفائدة الأكثر فقرا، الأكثر ضعفا.

لقد تعلم الجميع أن يحبوها لسخائها الباذخ، قدرتها الفريدة على مواجهة، والتغلب، في بعض الأحيان، على العوائق الكبيرة التي تجيد الإدارة الجزائرية وضعها في طريق النساء والرجال من ذوي الإرادات الطيبة.

المعلم الأول

حياة كاملة في خدمة البسطاء ثم المعاقين، ما خلق صلات قوية وكثيفة صمدت حتى عندما بدأت الجزائر تتمزق وأبناؤها يتقاتلون. في أوج سنوات التسعينيات الدامية والعبثية، بقيت ماري تيريز برو معنا، في حيها. محمية، كما كانت تقول، دون علمها. لكن نحن، كنا نعلم. لقد كانت محمية بقلبها الكبير، بعطائها الذي لا حدود له.في هذه المناطق التي شهدت الشدائد في تلك السنوات، لم يجرؤ أحد على أن يوجه لها كلمة غير لائقة، كان ذلك يعني الوقوع في أسوأ خطيئة. قلة ذوق لا تغتفر!

 ماري تيريز برو قديسة؟ بالنسبة لكثير منا، نساء وأطفال- وهم يعدون بالمئات-، هي فوق كل شيء المعلم الأول. بالمعنى المطلق. المعلم الذي جعل الناس يكتشفون الكتب، وعلمهم كيف يعالجون، والذي اظهر بأن "الآخر" يشبهنا "نحن" كثيرا. بل أنه "نحن".

  في أحيائنا الشعبية، ذكر"الأخية" ينير الوجوه على الفور. تعجز الكلمات على ترجمة هذا المزيج من الاحترام والإعجاب الذي تثيره. دون الحديث عن عرفان أولئك، وهم كثر، الذين تغيرت حياتهم بلقائها.  

تذييل: كلمة أخيرة: مع أزمة كوفيد-19 تكون جمعية التكافل الشعبي العائلي قد واجهت مصاعب. الذين يستطيعون، ويرغبون في المساعدة، فإن مركز المساعدة على العمل يوجد بحسين داي، مباشرة أسفل محطة ميترو البحر والشمس. هذا سيسعد ماري تيريز.