lundi 30 mars 2020

Le journalisme dont Khaled Drareni est le nom



A la demande de Abdallah Benadouda, manager émérite de Radio Corona Internationale, la radio de la fin "d'un" monde, j'ai fait une chronique sur Khaled Drareni, journaliste incarcéré à la prison d'El Harrach pour avoir exercé son métier: couvrir les manifestations du Hirak. La voici: 


Salam Abdallah, je devais parler de Blida, mais je vais parler de Khaled Drareni. Cas de force majeure, c’est la répression qui impose sa loi, c’est elle qui impose le sujet. Mais je le précise, mon coeur est aussi avec Blida. Nous sommes déjà tous des blidéens même si le régime fait mine de créer des frontières médicales et sécuritaires futiles. Blida, c’est notre front avancé contre le Corona, c’est d’elle que nous apprenons et c’est là que les travailleurs de la santé se débrouillent comme ils peuvent avec les moyens qu’ils ont (et surtout qu’ils n’ont pas le plus souvent) pour endiguer le mal.

Et c’est là aussi, et contrairement à ce qui se dit avec mépris sur le peuple, que les Algériens sont en train de montrer, une fois de plus, combien ils sont bons et bien, et combien ils savent se transcender et être solidaires. Contrairement aux clichés et aux poncifs de l’autodénigrement qu’on entend trop souvent, nous n’avons pas le gouvernement que nous méritons.

Loin de là!  Voilà une raison de plus pour parler de Khaled Drareni.

Il a un nom de martyr, Mohamed Drareni, son oncle qui est mort au combat et qui a été un des fondateurs de l’UGTA historique. C’est son héros, un homme ouvert et déterminé.. C’est son héros intime, son modèle. A la suite d’une des dernières interpellations suivie d’interrogatoire, il avait écrit que “la seule véritable violence que j’ai subie est qu’on remette en cause mon patriotisme, alors que nous étions à une centaine de mètres de la rue Mohamed Drareni (mon oncle paternel)”. Khaled vient d’avoir le soutien émouvant du fils d’un autre chahid, Maurice Audin.

Pourquoi je parle de ça? J’en parle parce qu’il y a des crétins qui effectivement, sans aucune honte, mettent en doute son patriotisme. Khaled n’en fait pas étalage, mais en matière de patriotisme, il n’a vraiment aucune leçon à recevoir.

J’ai connu Khaled Drareni, la première fois en 2008, je collaborais à un journal où il travaillait. Il était très jeune, j’étais déjà assez vieux. Khaled approche aujourd’hui de la quarantaine, j’ai plus de 60 ans et il me fait l’honneur d’être un ami.

Ma génération - pas seulement celle des journalistes - a raté sa part d’histoire, elle n’a pas pu ou n’a pas su prendre les choses en main. En 1992, au moment où il fallait être lucide et courageux, elle a cédé à la peur. C’était le moment difficile à vaincre et que nous avons raté et qui fait qu’on ne va probablement pas laisser de traces  significativeS dans l’histoire.

Khaled est d’une autre génération, moderne, ouverte sur le monde même si le régime a essayé de nous en couper. La génération de Khaled n’a pas eu une meilleure formation que la nôtre, mais elle est souvent plus positive, moins agressive. Moins sectaire.

Ma génération a été marquée par la peur et la domination des patriarches. Même quand elle se veut critique, elle emprunte des biais détournés, des codes, et en définitive contribue à rendre invisible ceux qui contrôlent nos destins sans avoir de compte à rendre. Même les meilleurs d’entre-nous, ont fait un journalisme “spécifique”, codé, allusif. Et qui en définitive ne gênait personne.

Pourquoi j’en parle aussi? Ce n’est pas pour décrier ma génération - Allah ghaleb 3liha, les ratages de l’histoire ne sont pas réparables - mais pour expliquer pourquoi le journalisme que fait Khaled Drareni est meilleur que le nôtre. Et que c'est bien pourquoi il n’est pas apprécié par ceux qui nous gouvernent

Ce journalisme, qui n’a pas la prétention d’être une conscience de son temps, montre et ne cache pas. Il n’utilise pas les termes codés, il nomme. Et pour un système où l’invisibilité est l’armure essentielle, cela est insupportable.

Khaled me rappelle le héros d’un roman, de Doctorow je crois, c’est un noir aux Etats-Unis qui rend les gens de l’establishment malades car il ne se conforme pas à l’assignation qui est fixé aux noirs par le système dominant. On lui demande d’être un noir selon l’assignation du système, lui agit en homme. Cela lui cause des problèmes fous, mais il ne renonce pas à être un homme.

Khaled et beaucoup de jeunes journalistes de sa génération agissent en journalistes et non en journalistes “spécifiques”. C’est bien pour cela qu’il est en avance. En rupture. Qu’il est déjà dans l’Algérie de demain où l’on nomme précisément les choses au lieu de louvoyer et de les cacher.

Salut à toi Khaled, tu es mon héros.  

lundi 16 mars 2020

رسالة إلى السيد عمار بلحيمر : نداء العقل العظيم الذي يطلقه الوطن أجدر بالاستماع


                 


ذكر السيد عمار بلحيمر، وزير الاتصال، فقرة من مقالتي تدعو إلى تعليق المظاهرات الشعبية بسبب مخاطر فيروس كورونا. لا يزعجني على الإطلاق أن تكون رسالتي إلى المناضلين والمواطنين الذين اقتحموا بثبات الفضاء العام للمطالبة سلميا بالمواطنة والحريات موضع تقدير الوزير. لقد فعلت ذلك عن قناعة وبروح من المسؤولية، وسأفعله كلما لزم الأمر. ليس من المستغرب أن يشارك الوزير عمار بلحيمر ذلك، فقد يحدث أن يتوافق شخصان ظرفيا رغم أنهما لا يتقاسمان نفس الرؤية للأشياء، فحتى الساعة المعطلة تشير إلى التوقيت الصحيح مرتين في اليوم


ومع ذلك، كنت أتمنى ألا تأتي قراءة الوزير ضمن ذلك التقليد البائس الذي يقوم على أسلوب التوقف عند "ويل للمصلين" دون قراءة الآية القرآنية كاملة. وبعبارة أخرى كان على الوزير أن يتبنى مجمل رسالتي التي تخص الحراك وشرعيته وأسبابه. أعلم أن السيد بلحيمر يمارس السياسة، وأنا أيضًا لست مجرد صحافيً، أنا مواطن ولدي آراء، ومثله، أنا لست ساذجًا. أنا لا أقدر على الإطلاق أن هذا النداء إلى العقل، كما يقول، يستخدم في اتجاه غير عقلاني لتجريم "بعض التيارات السياسية" التي يزعم أنها "تخترق" الحراك. السيد بلحيمر، هذا ليس خطاب عقل، بل هو جزء من الدعاية التقليدية للنظام والتي تقوم على الترديد باستمرار بأن المعارضين يتآمرون، وأن الحراك مؤامرة حتى لو تظاهرنا بالتنازل من خلال القول إنه كان "حراكا جيدا" في وقت ما لكنه صار "سيئًا" في وقت لاحق. لقد وصفتك في برنامج عبر راديو أم بأنك رجل ذكي، وما زلت على تلك القناعة. لكن لا تهن ذكائي ولا ذكاء المواطنين. بما أنك منحتني صفة صوت العقل، فإنني أغتنم هذه الفرصة لأخبرك، بوضوح ودون مرواغة، أن ممارسة السياسة ليست مرضًا مشينا، ولا فعلا معاديا للوطنية، وادعاء ذلك مناف للعقل والمنطق السليم. كون السياسة - خارج التمثيليات التي يرتبها النظام - قد تم حظرها لا يعني أنها مرض أو جريمة. أنتم تعرفون، بحكم ممارستكم للسياسة منذ زمن بعيد، بانه يوجد في المجتمع وفي الحراك تيارات سياسية متعددة، وقد بدأ الشباب، وهم في خدمة بلدنا، اقتحام المعترك السياسي، ويتم مجابهتهم باعتقال بعضهم وإيداعهم السجن بتهمة سخيفة " المساس بالوحدة الوطنية"، وفي الوقت الذي اكتب فيه هذه الأسطر بلغني أن الطالب عماد دحمان مواطن شاب ومحبوب، وهو لا يحتاج أن يثبت حبه لوطنه، قد تم وضعه تحت الرقابة القضائية. هذا ليس من الحكمة ولا من التعقل! فالسياسة لا يمكن أن تعتبر بدعة إلا إذا كانت لدينا رؤية بوليسية للمجتمع. إن التنوع الاجتماعي و السياسي للحراك، وتعدده يجعل منه حركة عميقة وأساسية، فلا توجد أي مؤامرة داخل الحراك. هناك قاسم مشترك بين الجزائريين الذين يخرجون منذ 22فيفري، الذين يتوقفون في بعض الأحيان أو يعودون، وهو الدفاع عن الحريات، عن حقوق المواطنين وعن استقلالية القضاء. هذه المتطلبات هي جزء من "صوت العقل والحكمة" للحراك، والذي ترفض السلطة سماعه. إن تعليق المسيرات اليوم هو التعقل، والاستمرار في إنكار أن هذا البلد تحذوه إرادة كبيرة في التغيير أمر غير معقول، وأنتم في حكومة لا تعطي أي اشارة بأن هذه الرسالة الملحة قد تم فهمها أو حتى الانصات لها، فوسائل الاعلام، التي تقع تحت وصايتكم الرسمية على الأقل، ما زالت مغلقة وهي غارقة في الدعاية الحراك لا يراوح مكانه، بل النظام هو الذي يدير ظهره برفضه الإنصات لهذا النداء العظيم للتعقل الذي لم يتوقف الحراك عن إرساله، هذا الصوت الجماعي للتعقل هو الأجدر بأن يسمع و ينصت إليه. الوباء الذي يتهددنا امتحان يفرض الأخذ بخيارات صعبة، وهذه الخيارات لا يمكن أن تعني بأي حال من الأحوال أن الحراك و أهدافه خطأ أو نقض للعقل.

Lettre à M. Amar Belhimer : Écoutez plutôt le formidable appel à la raison qui monte du pays! 




Amar Belhimer, ministre de la communication, a cité un passage de mon article appelant à suspendre les manifestations populaires en raison des risques du Coronavirus. Cela ne me gêne absolument pas que mon message en direction des militants et des citoyens qui ont investi avec constance l’espace public pour exiger pacifiquement la citoyenneté et les libertés soit apprécié par le ministre. Je l’ai fait par conviction et dans un esprit de responsabilité et je le ferai à chaque fois que cela sera nécessaire. Que le ministre Amar Belhimer partage cela n’est pas surprenant. Il peut arriver que deux personnes n’ayant pas la même vision des choses trouvent occasionnellement des convergences. Ainsi, même cassée, une montre donne l'heure exacte deux fois par jour... 


J’aurais toutefois aimé que la lecture du ministre ne soit pas dans cette tradition éculée qui consiste à ne lire dans le Coran que le bout de phrase "Un grand châtiment attend ceux qui font la prière" tout en s’abstenant de lire la suite. Autrement dit, c’est tout mon message concernant le Hirak, sa légitimité et ses raisons que le ministre aurait dû endosser aussi.


Je sais que M. Belhimer fait de la politique, moi aussi, je ne suis pas que journaliste, je suis citoyen, j’ai des opinions. Et comme lui, je ne suis pas naïf. Je n’apprécie pas du tout que cet appel à la raison, comme il dit, soit utilisé dans le sens déraisonnable de criminalisation de “certains courants politiques” qui auraient prétendument “parasité” le Hirak.


Cela, Monsieur Belhimer, n’est pas un discours de raison, cela fait partie de la propagande classique du régime qui consiste à marteler constamment que les opposants complotent, que le Hirak est un complot même si l’on fait mine de concéder qu’il a été “bon hirak” à un moment donné mais qu’il serait devenu “mauvais” à un autre. J’ai dit lors d’une émission sur Radio M que vous étiez un homme d’intelligence, je continue à le penser. Mais n’insultez pas la mienne, ni celles des citoyens. 

Puisque vous me créditez d’être une voix de raison, j’en profite donc pour vous dire, clairement et sans détour, que faire de la politique n’est pas une maladie honteuse, ni un acte antinational. Le suggérer est contre la raison, contre le bon sens. Le fait que la politique - hors des simulacres organisés par le régime - ait été bannie ne signifie pas qu’elle soit une maladie ou un crime. 


Vous le savez, vous faites de la politique vous-même et depuis longtemps. Il y a des courants politiques divers dans la société et dans le Hirak, des jeunes commencent, pour le plus grand bien de notre pays, à s’engager en politique. Certains sont arrêtés et mis en prison sous l’absurde accusation “d’atteinte à l’unité nationale”. Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends que l’étudiant Imad Dahmane, un jeune concitoyen très attachant et qui n’a nul besoin de prouver qu’il aime son pays, a été placé sous contrôle judiciaire. Cela n’est pas de la RAISON! Sauf si on a une vision policière de la société, la politique n’a rien d’une hérésie. 


La diversité sociale et politique du Hirak, sa mixité, en font un mouvement de fond. Il n’y a pas de complot dans le Hirak.  Il y a un socle commun aux Algériens qui sortent depuis le 22 février, qui s’arrêtent parfois ou reviennent, c’est celui de la défense des libertés, des droits des citoyens et de l’indépendance de la justice. Ces exigences font partie de la “voix de la raison” du Hirak que le pouvoir ne veut pas entendre. 


Arrêter les marches aujourd’hui est raisonnable. Continuer à nier que ce pays est gros d’une volonté de changement n’est pas raisonnable. Et vous êtes dans un gouvernement qui n’envoie pas de signaux qui montreraient que ce message impérieux du pays a été compris ou entendu. Les médias dont vous êtes formellement le ministre de tutelle continuent d’être verrouillés et à faire de la propagande. 


Le Hirak ne fait pas de “surplace”, c’est le régime qui fait le dos rond pour refuser d’écouter ce formidable appel à la raison que le Hirak ne cesse d’envoyer. C’est cette voix collective de la raison qui est digne d’être entendue. L’épidémie qui menace est une épreuve qui oblige à faire des choix difficiles. Et ces choix ne sauraient signifier que le Hirak et ses revendications sont une erreur ou une déraison.




samedi 14 mars 2020

Arrêter les marches est impérieux: le Hirak doit nous aider à vaincre nos colères




Il faut arrêter les marches et les rassemblements. La pandémie du coronavirus est sérieuse. Même si la parole officielle en Algérie est totalement discréditée aux yeux de nombreux citoyens, nous disposons de suffisamment d’informations en provenance de la très respectable organisation mondiale de la santé pour comprendre que nous sommes devant un risque majeur.
Mettre fin aux marches n’est pas une défaite, ce n’est pas concéder une victoire du pouvoir sur le Hirak, loin s’en faut. Beaucoup l’ont dit et écrit et on ne peut que le répéter: le Hirak a déjà gagné l’essentiel en mettant à nu, grâce à son insurrection pacifique et intelligente, la monstrueuse corruption du régime et de ses hommes. Ce régime ne peut plus se prévaloir désormais du patriotisme pour durer, les Algériens ont mis en route, sans rien casser et avec une énergie créative remarquable, le processus du changement.
Un des plus lumineux mot d’ordre du Hirak a été « netrabaou gaa », ou  » « Ntwa3aw ga3″ on s’éduque tous, on prend conscience tous. Avec cette crise planétaire du Coronavirus, nous le devons encore plus que jamais. Même si le régime a œuvré, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le patriotisme, à isoler l’Algérie, nous faisons partie du monde. La pandémie nous concerne, elle nous menace. Elle nous menace d’autant plus que notre système de santé est dégradé, incapable de prendre en charge une épidémie où le seul traitement des malades consiste à les mettre en réanimation avec assistance respiratoire.
Le Hirak est intelligent. On s’éduque tous veut dire que nous devons devenir encore plus intelligents, plus responsables, plus attentifs face à un système qui a œuvré à travers ses pantins politiques et ses médias médiocres à démoraliser toute une nation. Et c’est parce que ce Hirak nous a déjà changé que nous devons, sans hésiter, prendre la décision de ne pas nous mettre en danger et de ne pas mettre en danger nos familles, nos voisins. Nous devons le faire parce que c’est tout simplement la bonne attitude à prendre, la seule, et parce que toutes nos valeurs nous l’enseignent.





Si les mesures de prévention v-à-v du corona ne vs intéressent pas pour votre propre personne, dites vs qu'elles sont surtt là pour limiter la propagation et protéger les + fragiles d'entre ns, parmi lesquels nos Ainés.
Ne le faites pas pour vs, FAITES le pour eux.
G fini ...




La crainte de perdre la grosse brèche ouverte par le Hirak dans l’interdiction de l’espace public et de l’espace-nation ne doit pas nous mener à un entêtement suicidaire. Cet espace public, disons-nous dès aujourd’hui, que nous-nous battrons avec force quand cette crise grave du Corona sera passée, pour le reprendre. C’est notre droit le plus absolu. Mais en attendant, l’urgence absolue est de nous prémunir, d’éviter que ce virus ne se propage.
Depuis le 22 février 2019 nous disons pacifiquement, avec humour, avec inventivité, avec humanité, toutes nos colères accumulées contre un régime destructeur de toutes les valeurs. Nous l’avons déjà moralement vaincu ce régime de prédation, cette kleptocratie qui a entravé l’élan de notre nation, poussé à l’exil des femmes et des hommes de valeurs.
Nous sommes déjà meilleurs grâce au Hirak. Et ce Hirak doit nous aider à vaincre nos colères et à donner victoire à la raison. Organisons-nous autrement, restons vigilants, utilisons au maximum les réseaux sociaux, continuons à informer sur les atteintes aux libertés, mais nous devons, sans attendre, décider de nous donner toutes les chances de gagner la longue bataille politique pacifique engagée le 22 février 2019.
C’est parce que le Hirak nous a rendu meilleurs, plus intelligents et plus responsables que nous devons le décider: les marches et les rassemblements doivent être suspendus. Vainquons nos colères car nous-nous aimons. Nous serons encore meilleurs et plus forts pour les batailles qui viennent.