K.Selim
Ceux
qui, par malheur, sont forcés à une présence régulière dans les structures
hospitalières observent ces derniers temps des drôles de situations. Dans
certains hôpitaux, il règne un climat d’attente de la visite du ministre de la
santé qui se traduit par une « rigueur » dans l’interdiction d’accès
aux véhicules à l’intérieur des enceintes. Les gardiens ont reçu des ordres
qu’ils appliquent de manière implacable et certains grands hôpitaux de la
capitale qui s’étaient en « parking » connaissent une vraie
décongestion. C’est qu’entre un personnel très véhiculé – comme c’est la mode
algérienne – et les visiteurs tout aussi véhiculés, cela fait chaos dès
l’abord. Outre cette rigueur des gardiens, on peut constater dans certains
hôpitaux – ne les citons pas, cela n’est pas nécessaire – une mobilisation
générale du personnel d’entretien. On nettoie, on lave, on fait les choses que
l’on fait normalement sans attendre la visite du ministre. Cela ne change pas
drastiquement les choses dans les hôpitaux publics mais on est surpris de
découvrir des personnels, médecins compris, qui arrivent « à
l’heure ». Dans ce climat d’attente de la visite ministérielle, des choses
« changent » même si la qualité du service continue de laisser à
désirer et que les attentes des malades sont toujours longues, terriblement
longues. « Ici, j’ai compris le sens algérien du mot patient, c’est
quelqu’un qui n’arrête pas d’attendre en se disant que son tour finira par
arriver à un moment ou un autre» raconte un habitué, malgré lui, de
l’hôpital. En regardant le climat d’effervescence et de fébrilité qui règne, il
se dit que peut-être les choses finiront par « bouger ». Et,
souriant, il ajoute : à la condition que le ministre continue de
s’annoncer « à n’importe quel moment, sans venir ». Car, il n’en
doute pas, si le ministre vient pour de vrai, termine sa visite et même s’il
fait des remontrances aux responsables – voire même limoge un ou deux chefs –
les petits choses ordinaires que l’on commence enfin à faire vont cesser de
l’être. Bref, pour ce grand malade, pour atténuer le chaos et le laisser-aller,
il faut que le ministre n’en finit pas de se faire annoncer. Ou alors, une fois
sa visite terminée de s’annoncer, à nouveau, pour le mois prochain. Peur du
gendarme ? Non, estime-t-il, mais il y a l’éternelle mauvaise gestion dont
profitent les « tire au flanc » qui ont un terrible effet d’émulation
négative. Mais, précise-t-il, il y a une partie, petite selon lui, du
personnel, qui ne pense ni au gendarmes, ni aux tire-au-flanc, ni même à la
mauvaise gestion et encore moins à la visite du ministre… Ceux-là, dit-il, font
les choses en « conscience » et estiment qu’ils sont là pour
travailler, aider, secourir… Ceux-là sont responsables du « peu qui marche »
dans les hôpitaux. Et ils le font contre un environnement dissuasif au travail,
hostile aux malades, contre des structures alourdies par des accumulations de
mauvaises gestions qui rendent leur réforme problématique. Le ministre finira
par passer, dit le malade, les habitudes reprendront le dessus. Et lui, il
préfèrera penser aux bonnes habitudes, très personnelles, de ceux qui font leur
boulot sans rien concéder à « l’idéologie dominante » qui veut que
les gens qui travaillent bien, beaucoup ou avec passion, soient des
« niais ».