vendredi 22 avril 2011

Nous ne murirons pas ensemble ?

Dans une tentative laborieuse de créer un « débat », M.Belkhadem Abdelaziz, secrétaire général du FLN affirme que la société algérienne ne serait pas « assez mûre » pour un régime parlementaire. En situation normale l’assertion renverrait à la très classique discussion de première année de sciences politiques sur les mérites comparés des systèmes présidentiel et parlementaire. En situation algérienne réelle, il ne faut en retenir qu’une seule chose : M.Belkhadem et ses semblables se sentent très « murs » pour décréter que les algériens ne sont pas murs à la démocratie. Il fut un temps où M.Belkhadem, collé aux basques d’un Abdellhamid Mehri, peu accommodant pour le régime dont il connaît parfaitement les ressorts, pensait autrement. Il aurait pu dire : « nous murirons ensemble ». Là, apparemment, il pense qu’il a « muri » sans nous, M.Belkhadem. Il lui reste à nous dire combien de temps faudra-t-il pour le peuple algérien soit enfin décrété «mur». Et surtout pourquoi un peuple qui serait si immature devrait se prononcer sur des choses aussi compliquées qu’une révision constitutionnelle ? Pourquoi fatiguer le bon peuple qui n’a pas la « culture démocratique » nécessaire et qui serait, c’est cela l’implicite, disponible à profusion chez les cercles dirigeants du pays. Le ministre de l’intérieur est, au fond, plus conséquent. Il a une loi sur les partis politiques qui oblige son administration à recevoir le dossier de création d’un parti, de vérifier s’il est complet et remplit les conditions et de délivrer un accusé de réception. C’est ce que vient d’expliquer, à nouveau, le président de la LADDH, Mustapha Bouchachi, cet adorateur «immature » de la loi, en estimant que le ministre de l’intérieur n’a pas le pouvoir de refuser la création d’un parti mais qu’il peut saisir la justice administrative à qui il revient de trancher. Mais Bouchachi n’a pas « compris » qu’il faudra attendre que la société algérienne soit mure pour que ce respect des procédures et des lois soit de mise. Le ministre, lui, veille à l’ordre public et à la quiétude générale et, estimant probablement que la scène politique n’est pas « mure », il a décidé, sans en référer à la justice, de suspendre l’application de la loi. Celle-ci sera appliquée quand les bonnes conditions seront réunies. C'est-à-dire, quand le pouvoir décidera qu’elles le sont. Gageons qu’avec la culture ambiante, les algériens ne « muriront » pas de sitôt. La politique, dans un cadre libre bien entendu, est un constant apprentissage. On peut en retenir, en surface, les aspects spectacles, mais sur le fond, elle permet, par le débat et la confrontation, une négociation permanente entre les intérêts pour parvenir à un équilibre … qui sera renégocié par la suite. Elle sert, surtout, à éviter les crises ou à la résoudre, au moindre cout, par des voies pacifiques. Dans ces systèmes, balisés par le droit et arbitrés, in fine, par les citoyens dans les urnes, un homme politique qui laisserait entendre, même de manière implicite, que les électeurs ne sont pas suffisamment murs n’a pas d’avenir. Dans un système fermé, l’argument de l’immaturité du peuple – entendu sous mille et une rengaines en Tunisie et en Egypte – sert à maintenir le statuquo. Quand la politique n’est pas rétablie pour permettre une libération continue de l’énergie générée par la tectonique sociale, on se condamne à aller jusqu’au bout de cette crise que les hommes politiques « murs » n’arrivent pas à voir. Qu’est-ce qu’un séisme, si ce n’est une libération soudaine d’une énergie, trop longtemps et trop dangereusement, comprimée.

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