dimanche 22 juin 2008

La dame timbrée


Elle est vieille et seule, son mari est mort depuis longtemps à la guerre. Elle a travaillé dur son lopin de terre, elle a entretenu son petit troupeau. Elle s’est privée de tout. Elle a économisé ses sous. Pour «laâquouba », pour cet âge triste où elle ne compterait plus sur ses bras vaillants. Son lopin, elle a du le quitter plus tôt que prévu, en raison des « évènements ». Elle a vendu ses vaches et ses moutons. Et puis, elle a découvert qu’elle n’avait pas où aller. Surtout pas chez sa sœur. Elle a déjà beaucoup à faire avec ses enfants. Elle s’est mise en tête d’acheter une maison. Mais, pensait-elle, cela ne résoudrait pas mes problèmes de vieille femme. Alors, des gens, bien intentionnés s’entend, lui ont susurré une idée lumineuse. Pourquoi ne marierait-elle pas une de ses nièces avec un gaillard qui emménagerait chez elle et comme ça, elle serait « protégée ». L’idée ne lui sembla pas mauvaise. Ensuite, on lui suggéra de ne pas trop se casser sa tête de vieille femme avec les papiers, elle n’avait qu’à acheter la maison en l’enregistrant directement au nom de celui qui convolera avec sa nièce. Elle avait hésité, mais autour d’elle, tout le monde trouvait la chose normale. Elle n’a pas voulu demander conseil à sa sœur qui a déjà suffisamment de problème avec ses enfants. Alors, elle a donné l’argent, les économies de toute une vie de labeur, et la maison fut enregistrée, sur « papier timbré » au nom du brave gaillard. La vieille était sans protection et elle le sut très vite. « Sa » maison qui n’était pas la sienne sur papier timbré devint un enfer. Le « gaillard » cherchait à la faire déguerpir. Il était le « propriétaire » et il écrasait de sa morgue cette vieille chose. La vieille se résigna enfin à en parler à sa sœur qui n’en revenait pas de tant de candeur et de tant de « djyaha ». Elle délégua d’autorité sa grande fille pour saisir un avocat et annuler cette tromperie. Commencèrent alors les rendez-vous chez les avocats et les tribunaux. Celui qui a vendu la maison est passé, il a dit que c’est la vieille qui a donné l’argent. Mais il y avait ce papier timbré, à la validité juridique douteuse, qui faisait du gaillard le propriétaire. L’affaire traine d’une instance à l’autre et la vie dans « sa » maison devient plus infernale. « J’ai acheté l’amertume avec mon argent » dit la vieille qui s’est mise à aller régulièrement chez sa sœur pour se reposer. Dernièrement, des policiers sont venus la chercher dans cette maison qui n’est pas la sienne en vertu de ce misérable papier timbré. Ils ont laissé une convocation. Elle était affolée, la vieille, elle n’a pas l’habitude d’avoir des relations avec la police. Sa nièce est allée, pour elle, au commissariat. On lui expliqua que c’est pour l’affaire de la maison et qu’elle avait 20 jours pour faire un recours devant la cour suprême sinon son affaire serait considérée comme close. Elle ne sait que faire la vieille. Lorsqu’elle est passée devant le juge, la dernière fois, celui-ci lui a laissé entendre que la loi ne protège pas les imbéciles. Elle a avalé cela, la vieille, mais elle en a été blessée. Profondément. Puis, sa tête « d’imbécile » s’est mise à fonctionner. Et elle a posé sa question : « Si la loi ne protège pas les imbéciles, qui donc les protègera ? ». Elle n’a pas eu de réponse…

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