jeudi 5 juin 2008

La Femme de tête et le cheikh


« Dès le début, il m’a énervée ce « cheikh » ! Il m’a demandé de mettre un foulard sur ma tête. Je me suis tout de suite braquée mais je n’ai pas hurlé. Je suis polie moi, j’ai été bien élevée. J’ai juste dit que j’étais chez moi et que je ne mettrais pas un foulard. Il était venu chez moi, soi-disant pour me convaincre de laisser mon fils, ce taré qui me fait monter la tension, ramener sa seconde femme chez moi. Il me l’avait déjà demandé et j’ai été catégorique : j’héberge déjà sa première femme et leurs deux enfants et il n’est pas question que j’accepte de m’occuper d’une seconde femme, pour son plaisir. Et d’ailleurs, sa première femme, est une personne charmante, elle est belle et rien ne lui manque…Pourquoi a-t-il décidé de prendre une autre femme ? S’il veut s’amuser, qu’il se débrouille. J’avais mis fin à la discussion. Tant que je suis vivante, je ne veux pas d’une autre femme chez-moi. Et le voilà qui me ramène un « cheikh », pas plus haut que trois pommes, emmailloté dans une tunique blanche de la tête au pied, avec sa barbe teinte au henné, pour me convaincre, moi la « hadja » de ne pas « empêcher ce que Dieu a autorisé ».

Là, je ne me suis pas laissée impressionner. J’ai dit que Dieu a en effet autorisé « à condition » que le mari traite ses femmes de manière juste. Si mon fils n’est pas capable d’avoir son propre logement comment voudrait-il, lui le « Savant », qu’il puisse être juste ? On a parlé en long et large. Le cheikh a vu que je ne m’en laissais pas compter par l’argument de la charia alors il s’est mis à parler, des « besoins de l’homme ». Je lui ai ri au nez… Est-ce qu’il croit que les femmes n’ont pas de besoins, comme il dit ? Je lui ai dit que le premier devoir d’un homme est de répondre aux besoins de sa famille et de ses enfants. Or, mon taré de fils, qui veut prendre une seconde épouse, ne le fait pas. C’est moi qui m’en occupe de sa femme et ses enfants, est-ce qu’il pense que le bon Dieu est d’accord avec ça ? Est-ce que la charia est d’accord, Ya sidi echeikh ? Bien sûr, il n’a pas répondu. Il s’est mis à dire que mon attitude n’était pas « naturelle » et qu’une mère doit « aider son fils »… Là, vraiment, j’ai commencé à bouillonner. Qu’est-ce qu’il croit, donc ! Ce garçon qui me ramène un étranger pour me convaincre de le laisser gérer ses instincts, j’ai essuyé son derrière et nettoyé sa morve, je l’ai fait grandir, il n’a jamais manqué de rien… J’ai assez donné, monsieur le cheikh, c’est un égoïste fini qui n’a pas le moindre égard pour sa mère qui à 65 ans et qui s’occupe déjà de son engeance… S’il veut une autre femme, libre à lui, mais pas chez moi ! Mais on aurait dit qu’il ne m’écoutait pas. Il a continue à insister et moi je sentais monter en moi une colère, oulala, je te dis pas… Et ce cheikh-savant n’arrêtait pas de débiter des sornettes : tout y est passé, mon devoir envers mon fils, mon cœur qui serait de pierre, mon fils que je risquais de perdre à jamais… Il a même dit qu’en se mariant à nouveau, mon fils, sauvait une femme et que cela lui serait compté pour le paradis. J’ai répondu qu’il ne devait pas espérer aller au paradis sur mon dos… J’ai cessé de lui donner du « Ya Cheikh » mais il ne s’en est pas rendu compte. Ils ne se rendent pas compte, les hommes. A un moment, j’en ai eu définitivement marre et je lui ai dit « et maintenant, tu ne veux pas aller te faire voir chez les grecs ? »

Par pudeur, le chroniqueur s’abstient de rapporter les termes exacts utilisés par la vieille dame. Mais, d’après le récit, ponctué de rire, d’Al-Hadja, le « Cheikh », est devenu tout blanc, il a relevé les pans de son qamis immaculé et a détalé comme un lapin.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

HA, ha ha !!!
C'est une Mama, qui dirait, tout droit sortie d'un récit de Boudjedra !
Allah yahfadha (que dieu la préserve).