jeudi 11 septembre 2008

Le Grand Chien

Sirius, vous connaissez ? C’est la grande étoile de la constellation du Grand Chien et elle est une des plus proches de la terre. Est-elle algérienne ? Non, elle est sobrement constantinoise. Et comme chaque année, avant que les comités de vénérables personnages s’installent dans tous les coins d’Algérie pour scruter le ciel, elle prend tous le monde en embuscade et annonce la date scientifique, astronomique, du début de la nouvelle lunaison. Je ne sais pas quelle sont leurs intentions, s’ils sont animés d’arrière pensée idéologique, d’une volonté jubilatoire de rendre inutile le groupe des vénérables vieillards qui s’offre un prime-time télévisé par an en entretenant le suspense.
Avec toute une nation de téléspectateurs renonçant au zapping pour s’installer devant l’ENTV. Ah, ce délicieux suspense ! Cette soirée pieuse, entrecoupée de pubs chorbas, on ne peut pas ne pas l’aimer, on ne peut pas la rater. Même si c’est du déjà-vu et du déjà-entendu, on sacrifie à la tradition. C’est ainsi que commence la plongée en léthargie, c’est ainsi que commence le saut des prix, c’est ainsi que commence les achats pour la grande bouffe dont on jettera une bonne partie. Et ne voilà-t-il pas que ces gus de Sirius se piquent de nous priver du seul suspense cathodique que nous offre l’ENTV ? Vraiment, ils ne sont pas gentils et pourtant ce sont des constantinois…
Justement, ce sont des constantinois, ces gens de Sirius. Je les imagine grands connaisseurs de Ben Badis, non pas l’icône un peu fossilisée que les vénérables messieurs entretiennent, mais le partisan de savoir, le pourfendeur des charlatans, le réformateur…
Vraiment, ces drôles de constantinois, je les aime, sans les connaître. Ils sont jovialement à contrecourant des habitudes – là où la science se ruinerait – en scrutant le ciel, non pas à l’œil nu, mais avec des instruments et des algorithmes.
J’aime aussi leur manière de prendre les devants et de dire leur mot sans en avoir l’air plusieurs jours avant l’inévitable controverse qui suivra le dénouement du suspense annuel. Tant pis si certains les croient animés de vilaines intentions rationalistes. Ils n’y pourront rien contre cela, même si la terre n’est pas plate et qu’elle tourne. Car, vous le savez bien, en ces temps où les voyages dans le Cosmos sont devenus d’une affligeante banalité, dans l’aire musulmane, rien n’est plus idéologique qu’une lune à la veille du grand sommeil diurne du ramadhan, de ses grandes libations nocturnes, de ses coup de sang absurdes.
Ahmed Selmane

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