mardi 23 septembre 2008

Pseudos

Quelles sont les nouvelles d’Irak ? Mauvaises malgré les proclamations des américains, malgré les affirmations des gouvernants autochtones de la zone verte. Du pays des deux fleuves, nos amis, ceux qui sont restés, comme ceux qui y sont restés attachés malgré un exil de survie, échangent, racontent, publient… sur le Net.
Kitabat est un site irakien remarquable : toutes les idées, vraiment toutes les idées, y trouvent leur place. On y parle de politique, d’économie, d’histoire, de littérature, de poésie, on y dénonce, on y appelle à la révolte…
Ceux qui ont la chance et le bonheur de maîtriser la langue arabe devraient y faire un détour, les francophones unilingues – pauvres d’eux ! - rateront beaucoup de choses. Mais, il ne s’agit pas, ici, de faire de la réclame à Kitabat qui n’en a pas vraiment besoin. Il s’agit de signaler quelque chose de grave et poignant à la fois. Depuis quelques jours, sur la page de garde du site, on peut lire un appel sérieux et grave adressé à toutes les plumes qui écrivent et sévissent dans Kitabat et elles sont fort nombreuses.
L’appel, évoquant des menaces réelles, pressantes, sérieuses, de liquidations physiques venant de milieux gouvernementaux et de milices, invitait « sincèrement », tous les écrivains, principalement ceux qui vivent en Irak, à « s’abstenir d’écrire sous leurs vrais noms dans Kitabat et d’utiliser un pseudonyme de leur choix, afin de préserver leur vie et leur sécurité. Nous respectons également tous les noms qui ont renié leurs précédents écrits par souci de se préserver et de préserver leurs vies et celles des leurs… ». Cette invitation au pseudonyme, précise le site, « restera affichée jusqu’au jeudi 25 septembre 2009, en vous remerciant de votre attention et de votre réponse ». Les écrivains concernés pourraient se consoler en se disant qu’ils vont créer des nouveaux noms, libérés des obligations attachés à la réputation bonne ou mauvaise du vrai. Qui sait, ces pseudonymes de la survie leur permettront, peut-être, de dépasser les alignements sectaires qui sont devenues une réalité dans l’Irak sous la botte des américains. Il reste que Kitabat a eu raison mettre en évidence la menace et de suggérer à ses écrivains de se trouver des noms de substitution. En Irak, on meurt facilement… Dans l’effet de « masse » de la guerre, personne ne s’est vraiment intéressé, au cours de la première année d’occupation, à la longue série de scientifiques irakiens de haut-niveau qui ont été assassinés… Rien, aujourd’hui, ne permet de dire que le gouvernement est en mesure d’éviter une épidémie de meurtres parmi les écrivains de Kitabat… Les irakiens gardent cependant le sens de l’humour. Noir, certes, mais de l’humour. Très explosif. « Si tu mets la djellaba, le kurde te tues… Si tu mets le saroual, l’arabe te tues. Si tu mets la tenue gouvernementale, la résistance te tue… Si tu t’habilles en civil, la milice te tues… Si tu t’habilles de rien, le froid te tue… Que Dieu aide les irakiens ».



http://www.kitabat.com/

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