mercredi 30 décembre 2009

2009, ANNEE LIVIDE !

par K. Selim


Unité de lieu, unité d'action et unité de temps constituent le triptyque fondateur de toute la dramaturgie classique. Le monde politique, théâtre d'ombres par excellence, observe les principes de la tragédie sans qu'elle se dénoue ou qu'une solution soit en vue. L'ordre du monde est campé par des scénaristes qui ne souhaitent qu'une seule chose : que cela dure. L'année s'achève où elle a commencé : à Ghaza, ville bombardée et ville encerclée, des Palestiniens ouvertement spoliés meurent dans l'indifférence glacée des démocraties avancées. Et dans l'absence de sollicitude des «frères arabes» qui regardent ailleurs, scrutent les toussotements des puissants, veillent à ce que leurs sujets ne se livrent à aucun débordement nuisible aux intérêts bien compris des castes.

2009, de Ghaza bombardée à Ghaza encerclée par un «fraternel» mur d'acier, aura montré, jusqu'à la nausée, la veulerie de ceux qui se veulent «modérés» et «réalistes». Mahmoud Abbas en est l'incarnation palestinienne, le modéré qui a avalé toutes les couleuvres et posé à toutes les photos avant de découvrir - quelle naïveté ! - que les Etats-Unis sont «partiaux».

L'Egypte, en voie de régression et de transmission héréditaire, en est l'incarnation arabe la plus grotesquement obéissante. Des pouvoirs qui se dispensent du soutien de leur peuple ne peuvent espérer qu'un rôle de figurant, même s'ils se gonflent d'importance. Les acteurs les plus en vue - le plus filmé et le plus écouté d'entre eux, Barack Obama, est triomphalement entré en scène en janvier - changent à peine. Ils jouent leur rôle sans jamais s'éloigner du scénario.

La crise financière, jugulée à coups de centaines de milliards de dollars de fonds publics, a permis aux banquiers de renouer avec les profits et aux plus riches de l'être encore plus. 2009 a été une année bénéficiaire pour les spéculateurs. Au rythme où vont les affaires, 2010 sera aussi souriante, en particulier dans les paradis fiscaux comme la Suisse, où aucun minaret ne viendra rappeler au citoyen local l'existence d'autres musulmans que ceux - prospères mais discrets - qui viennent faire fructifier des fortunes plus ou moins légales et fréquenter les casinos. La Suisse est toujours un des pays les plus propres du monde...

Dans cette représentation permanente où tout semble bouger sans que rien ne change, le décor est immuable, il se dégrade au fil de l'exploitation de la planète. Au fil des événements, la pièce de théâtre quitte parfois le registre du drame pour emprunter à l'opéra-bouffe.

La conférence sur le réchauffement climatique, qui s'est tenue dans une ville nordique transformée en caserne de police, a été l'occasion d'apprécier un curieux spectacle où la bouffonnerie des puissants, ivres d'égoïsme, répondait à l'inquiétude du plus grand nombre. A Copenhague, les riches ont montré qu'ils étaient les plus forts au concours de l'irresponsabilité, les émergents n'ont pas encore prouvé qu'ils ont pris une part du pouvoir mondial et les plus pauvres, l'Afrique notamment, auront été les dindons d'une mauvaise farce. 2009 a été une année ordinaire sous le voile de l'oppression banalisée.

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