mercredi 30 décembre 2009

ANTAR 2009

par K. Selim

Certains choisiront pour illustrer l'année algérienne 2009 le coup de pied définitif de Antar Yahia et la joie insoupçonnée qu'il a libérée dans un pays qui a désappris la fête depuis longtemps.

Même les grands-mères s'y ennuient, ce qui explique que la harga soit un phénomène qui recouvre toutes les classes. La différence entre le riche et le pauvre, l'instruit et l'illettré ne réside que dans le moyen de réaliser l'aspiration commune au départ. La joie qui a suivi la victoire de l'équipe nationale à Khartoum était justement exceptionnelle : elle a été vécue par la plupart des jeunes et moins jeunes comme un gros trou fait dans le mur invisible mais solide de l'ennui dans lequel baigne le pays.

Celui-ci, en attendant la Coupe d'Afrique et la Coupe du monde, des rendez-vous à ne pas rater au plan sportif comme au plan du moral collectif, a repris doucement ses droits. D'aucuns croient, ou espèrent plutôt que certaines choses vues, comme la présence massive et sans complexe des filles et des femmes dans la grande manifestation festive, sont des signes d'une évolution significative. D'autres forcent le trait en croyant à une «seconde naissance» et demandent au régime de rompre avec ses «constantes».

C'est trop accorder à un évènement qui a peut-être marqué les esprits mais qui ne marquera sans doute pas l'histoire. Onze gars ont donné un peu de bonheur aux Algériens, ils n'ont pas fait une révolution. Il était, bien entendu, illusoire de croire que la célébration nationale et unanimiste de la victoire de l'équipe nationale puisse dispenser ceux qui veulent le changement de devoir se battre, avec les moyens qu'ils peuvent, pour le réaliser. Discourir sur un match de football ou sur la réaction stupide du régime égyptien pour admonester le régime algérien et le sommer de changer relève du surréalisme. Il ne faut pas trop planer.

Le retour du réel est d'ailleurs vite arrivé pour réduire «l'épopée de Khartoum» à sa juste dimension d'un intermède dans une routine abyssale. Rien ne surprend : ni la déconfiture autoroutière de la section algérienne des Frères musulmans qui devait être la version «sage» de l'islamisme et la version morale de la gouvernance, ni l'alliance entre un «trotskisme» très nationaliste et un «libéralisme» très autoritaire... Une alliance durable, jure-t-on, alors que le «néopatriotisme économique», qui semble la sous-tendre, paraît bien conjoncturel et fragile.

Qui pourrait, par ailleurs, être surpris par l'évocation cyclique de l'emprise de l'argent dans la désignation des représentants au sein des institutions parlementaires ? Cela fait tout au plus quelques déclarations convenues et des articles de presse d'usage.

Au fond de l'ennui national, qui se soucie réellement de cette vie politique et de ce Parlement où l'on ne fait pas de politique ? Pourquoi les Algériens s'enflammeraient-ils pour des assemblées où personne n'a encore posé des questions alors que les fuites - intéressées ou non, cela est secondaire - s'accumulent pour souligner que l'autoroute Est-Ouest n'est pas une ligne droite de la probité...

Oui, dans cette année 2009 qui s'en va, c'est bien le coup de pied de Antar Yahia qui a été le plus beau geste. Mais ce n'était qu'un but, ce n'était pas un coup de pied dans la fourmilière... Contrairement à ceux qui lui ont donné, par idéologie ou tout simplement par espérance, beaucoup d'importance, c'était un tir sans autre prétention que d'envoyer une balle au fond d'un filet.

Aucun commentaire: