samedi 16 mai 2020

Baya 2006 - Baya 2020 - Pourquoi Al Manchar reviendra

                                                                      


Chronique lue dans le numéro 19 de Radio Corona Internationale



Al Manchar suspend sa parution, les bureaucrates de la censure ne doivent pas trop se réjouir.  Al-Manchar reviendra, c’est une certitude pour moi. Son auto-suspension est juste le révélateur d’un moment aberrant que nous traversons et que l’histoire corrigera.  Al Manchar s’arrête, “الى حين" comme on dit en arabe. Quand? C’est ouvert.

Les mouvements de l’histoire sont lents dans ce pays trop souvent violenté. Et je pense qu’après beaucoup de malheurs et de violences, les Algériens savent ce qu’ils doivent faire avec un système à bout de souffle, qui ne crée pas de valeurs mais en dilapide.

Dans l’adversité, ils ont inventé depuis le 22 février 2019 la voie pacifique du changement faite d’humour et de fraternité. Oui, de fraternité, et je plains ceux qui atteints de strabisme voient des mains étrangères derrière ces bonnes volontés. 

Al-Manchar fait partie de ces petits rivières qui font les grands fleuves. C’est une petite histoire dans la grande qui est entrain de se faire inexorablement même si les tenants d’un régime dépassé n’ont pas encore compris l’énorme opportunité qui leur est offerte de mener un changement dans la paix.

J’ai écrit sur Facebook que Nazim Baya a fait une des plus lumineuses pages des médias algériens. Et qu’il reviendra. Ywelli. Je le maintiens. Ceux qui ont pris un coup de déprime à l’annonce de la suspension d’El Manchar, reprenez-vous! Appréciez plutôt le travail accompli en cinq ans. Al-Manchar a pris une place importante dans notre conspiration publique ouverte et totalement algérienne pour vaincre l’arrogance et la bêtise par le rire.  Il y a un seul et unique Nazim Baya, mais il y a des scies à rire à foison.

Les Algériens, et c’est normal, discutent beaucoup des questions identitaires, un peu trop à mon avis car cela distrait souvent de l’enjeu fondamental qui est celui de la défense des libertés pour tous. Car on peut ne pas avoir les mêmes idées, mais on a besoin des libertés pour pouvoir les exprimer.

La composante non écrite de notre identité, c’est le tqar3ij, la dérision, l’humour, c’est l’arme pacifique par excellence. C’est quand on les perd, que nous prenons la mauvaise pente. Gardons précieusement cette dimension fabuleuse de notre identité, c’est notre remède.

Pourquoi j’ai la certitude qu’Al-Manchar de Nazim Baya reviendra alors que le contexte est anxiogène et que le pouvoir fait preuve d’une irritabilité considérable à l’humour? Difficile à expliquer.

Je remonte à 2006, Baya, là je ne parle pas de Nazim, mais de Baya Gacemi, Allah yerhamha, une brillante journaliste pleine d’humour. Donc Baya est arrivée à nous embarquer, moi, Ali Boudoukha, alias BAB, Rachid Allik Alias Zappa, allah yerhamoum, Djamel Noun, Allah Ytawel fi 3omrou dans le lancement d’un hebdomadaire satirique, qui s’appelait L'Époque.

On a cassé notre tirelire, chacun a mis 150.000 dinars et comme des grands on a lancé le canard. Je ne vais pas encenser notre défunt hebdo mais ceux qui le lisaient - ils étaient pas nombreux, on avait un petit tirage - trouvaient qu’il était de bonne qualité, on avait même dans l’équipe un dessinateur comme HIC, ça compte.

L’hebdo a tenu une année, le temps de bouffer le capital dans le paiement de l’imprimerie. Au cours de cette année d’existence, l'Époque n’a eu qu’une demi-page de pub, cette demi-page restera d’ailleurs un évènement surprenant. Sinon, c’est zéro pub. L'Époque n’était pas fils de pub, et cela ne nous déplaisait pas. On s’amusait librement.

Un opérateur privé a dit à Baya qu’il aimait l'Époque mais qu’il ne lui donnerait pas de la pub car il est dans l’opposition et que cela lui causera des problèmes avec le pouvoir. Baya, un peu surprise, lui a expliqué que le journal n’était pas dans l’opposition mais dans l’humour et qu’il se moquait aussi des opposants. Mais le patron en question qui connaissait bien la maison du pouvoir lui a expliqué que l’humour était forcément de l’opposition. Il a même proposé de donner de l’argent, en sous-main, ce que Baya a refusé avec énergie.

Bref, l’humour égale opposition, voilà sans doute pourquoi le pouvoir est si défiant à l’égard des Algériens, ces grands et malins persifleurs.  Une partie de l’équipe de l'Époque s’est retrouvée en 2008, dans l’Initiative civile pour le respect de la Constitution (ICRC), une tentative désespérée de mobiliser la société civile contre l’amendement de la constitution qui ouvrait la voie à la présidence à vie de Boutef. Nous avons rencontré beaucoup de gens qui disaient être d’accord avec nous mais qui ajoutaient immédiatement: mais à quoi bon, ils vont quand même le passer cet amendement. J’ai appelé cela avec dégoût “l’aquabonisme” et c’est quelque chose qui horripilait Baya Gacemi. 

En 2006, Facebook n’avait deux ans, l’internet était dans la préhistoire en Algérie. Il le demeure d’une certaine façon. L'Époque de Baya, qui n’a pas été inquiété, il a disparu sans possibilité de retour. En 2020, les Algériens sont très connectés et ils sont toujours fidèle au tqar3ij. La disparition de l'Époque de Baya s’est faite sans bruit, la suspension d’el Manchar de Nazim Baya fait un sacré boucan. Et l’aquabonisme, même s’il n’a pas disparu, a perdu du terrain. Cela veut dire simplement que l’histoire a bougrement avancé, que les Algériens ont accumulé… Al-Manchar a apporté sa part. Il prend juste le temps de souffler. Ce n’est pas la fin.

 Le poète Ahmed Fouad Negm et Cheikh Imam ont été un jour empêché à l’aéroport du caire de quitter l’Egypte alors qu’ils devaient faire une tournée en Europe. Sur son paquet de cigarette, Negm a écrit un poème qui fera date:



ممنوع من السفر

ممنوع من الغنا

ممنوع من الكلام

ممنوع من الاشتياق

ممنوع من الاستياء

ممنوع من الابتسام

وكل يوم فى حبك

تزيد الممنوعات

وكل يوم بحبك

اكتر من اللى فات









1 commentaire:

Hadjer a dit…

It's a publicity stunt. It doesn't mean it's not already famous, it is and we love el Manchar. He's just looking for a bigger audience.
Have a great comeback.