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Radio Corona Internationale est un complot. Avec l’accord de Abdallah Benadouda et de tous les égarés, d’ici et d’ailleurs, qui y contribuent, je prends les devants pour dresser l’acte d’accusation. Comme le Hirak est officiellement “béni” et qu’il va entrer dans le préambule de la constitution, on prendra donc la précaution de dire que Radio Corona est coupable de défendre le “néo-hirak”, vous le savez cette étrange chose et cette entité mystérieuse qui nous envahirait insidieusement et qui serait le fait des ONG et des officines étrangères interlopes.
C’est le moment de la chronique où Abdallah devrait lancer le générique de la fameuse série des “Envahisseurs” avec un David Vincent local, installé dans le lointain Canada, pour défendre la patrie menacée; et qui, par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci qu'il ne trouva jamais, découvrit sur les routes et les sentiers d’Algérie et sous les savates des marcheuses et des marcheurs des mardis et des vendredis une infinité de complots. Et que le cauchemar avait déjà commencé.
Pour Radio Corona, les preuves sont accablantes: Benadouda et ses complices à l’extérieur et l’intérieur font preuve d’un pernicieux humour qui mine les défenses de la patrie. Ils font feu de tout bois, même le théâtre classique grec sert de moyen détourné pour envoyer des messages codés derrière “essajra…” et que de dire de la subversion de la psy nationale, Sihem qui fouille dans l’impensé…
Les preuves accablantes ne manquent pas. Le big boss de Radio Corona, outre qu’il gagne sa vie en dollars et pas en dinars - vit à Providence. Certes, Providence se trouve à près de 800 km de Langley, en Virginie, où se trouve le siège de la CIA, mais cela ne prouve pas qu’il n’y a pas des accointances. N’essayez surtout pas de dire que cela ne prouve pas non plus qu’il y a des accointances, vous passerez pour un naïf, un demeuré, un idiot utile, un vecteur inconscient de la subversion.
Et là, ce sont les charges les moins lourdes. Bref, une radio qui s’amuse, qui s’offre la meilleure psy du Maghreb Central et fait plaisir à ceux qui l’écoutent, c’est forcément louche. Car on le sait, les radios patriotiques sont celles où l’on s’ennuie fermement, et où, comme moi, on baille au retour régulier du complot ourdi. Ce que j’ai dit de Radio Corona est à peine une caricature, c’est comme cela que fonctionnent ceux qui n’en finissent pas de le ressortir, ce complot ourdi.
La règle générale est que l’accusateur est toujours au pouvoir tandis que l’accusé est l’opposant. Mais l’accusé est aussi - et même assez souvent - celui qui a perdu le pouvoir, la branche morte que l’on charge de tous les maux. Y compris d’avoir comploté contre les intérêts supérieurs du pays.
Ne cherchons pas loin, parmi les pensionnaires des prisons actuellement figurent des gens qui décidaient hier qui étaient patriotes et qui ne l’étaient pas. Des gens qui dénonçaient, hier, à la moindre respiration non autorisée (don't breathe, men!) des mains étrangères et des conspirations.
J’avoue que j’ai de la peine à parler sérieusement de ce sujet. L’histoire n’est pas une longue suite de complot mais je sais que des complots existent. Mais le plus grand des complots ne ressemble pas un polar ou à un roman d’espionnage. C’est sans suspense. C’est systémique. C’est la routine des régimes autoritaires et des dictatures qui privent la société de cadres d’organisation libres et affaiblissent de ce fait ses mécanismes de défense.
Bachar al-Assad par exemple est ophtalmo de métier, mais il a été aveugle en politique: en réprimant les contestations politiques et sociales au lieu de réformer, il a ouvert un énorme boulevard à toutes les ingérences. La Syrie est aujourd’hui méconnaissable.
C’est clairement de l’aveuglement et de l’incompétence que se nourrissent les ingérences étrangères. Pas d’un complot, mais des déconstructions paranoïaques et perverses des régimes qui traitent leurs sociétés en mineurs quand ce n’est pas en menaces potentielles et en ennemis.
Tiens aux Etats-Unis, deux anciens ministres de la Défense ont réagi à l’idée avancée par Trump d’utiliser l’armée contre les manifestants: ce qu’ils ont dit est simple et fort: L’Amérique n’est pas un champ de bataille » et « nos concitoyens ne sont pas l’ennemi ».
Cela vaut pour les marcheurs du mardi et du vendredi, ce sont des Algériens qui aiment leur pays, qui veulent respirer et qui ne supportent pas de le voir abîmer. Les accuser de complot est aberrant. En réalité, c’est la banalité de l’incompétence et de l'imprévoyance - le propre des systèmes autoritaires - qui fait complot.
Prenons, un exemple. En 1994, l’Algérie passe par le FMI et par l’ajustement structurel. Une des recommandations du FMI est de permettre la retraite anticipée pour dégraisser l’administration et le secteur public. Le gouvernement a mis la chose en application à la lettre. Résultat, les meilleurs cadres du pays, des quadras et des quinquagénaires, empruntent cette voie de sortie, deviennent des jeunes retraités et vont en Occident commencer une autre vie. Les moins bons restent, des bons aussi ont résisté, mais en nombre insuffisant.
Cette décision a été désastreuse car elle a considérablement affaibli une technostructure algérienne patiemment - et bien formée - durant les 2 premières décennies de l’indépendance. Ce n’était pas un complot puisque c’était transparent. Mais ne pas deviner l’impact considérable de la mesure relève, au moins, d'une grave incompétence aussi bien politique qu’économique.
Autre exemple, en 2009, avec un discours très patriotique, on a institué la règle du 51/49% pour les investissements étrangers et le droit de préemption en cas de cession des actifs étrangers en Algérie. En apparence, c’est très nationaliste et cela répondait au fait que le groupe Lafarge était entré en Algérie, par le biais d'un jeu boursier en rachetant Orascom. Sans passer par les autorités algériennes.
Dans les faits, ces mesures, qui étaient en vigueur et à juste titre dans le secteur pétrolier depuis 1971, n’ont fait que bloquer les investissements étrangers hors hydrocarbures. Qui étaient les vrais gagnants de ces mesures? Les importateurs bien sûr, qui avaient un pied dans le pouvoir. Les entreprises étrangères dissuadées par ce dispositif ne sont pas venues en Algérie mais rien n’empêchait que leurs produits y entrent et se vendent. Grâce aux importateurs! Ce n’était pas un complot, mais un choix politique. Qui a été possible car ceux qui décident ne rendent pas des comptes.
Pour conclure, non, Radio Corona n’est pas un complot. Nous le savons bien et les accusateurs éventuels le savent.
Dans l’histoire des nations, la part des complots n’est pas déterminante, ce qui est déterminant c’est la manière dont le pays est organisé, si ceux qui le dirigent ont l’assentiment ou pas des citoyens. Ce qui est déterminant, c’est l’obligation de rendre de comptes, c’est la séparation des pouvoirs, ce sont les contre-pouvoirs, ce sont les libertés. Ce sont ces choses qui réduisent la marge du complot banal de l’incompétence et de l’imprévoyance. Et de la hogra, surtout de la hogra. C’est pour cela que les Algériens d’ici ou d’ailleurs ne sont pas des envahisseurs mais des bâtisseurs.
Radio Corona Internationale est un complot. Avec l’accord de Abdallah Benadouda et de tous les égarés, d’ici et d’ailleurs, qui y contribuent, je prends les devants pour dresser l’acte d’accusation. Comme le Hirak est officiellement “béni” et qu’il va entrer dans le préambule de la constitution, on prendra donc la précaution de dire que Radio Corona est coupable de défendre le “néo-hirak”, vous le savez cette étrange chose et cette entité mystérieuse qui nous envahirait insidieusement et qui serait le fait des ONG et des officines étrangères interlopes.
C’est le moment de la chronique où Abdallah devrait lancer le générique de la fameuse série des “Envahisseurs” avec un David Vincent local, installé dans le lointain Canada, pour défendre la patrie menacée; et qui, par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci qu'il ne trouva jamais, découvrit sur les routes et les sentiers d’Algérie et sous les savates des marcheuses et des marcheurs des mardis et des vendredis une infinité de complots. Et que le cauchemar avait déjà commencé.
Pour Radio Corona, les preuves sont accablantes: Benadouda et ses complices à l’extérieur et l’intérieur font preuve d’un pernicieux humour qui mine les défenses de la patrie. Ils font feu de tout bois, même le théâtre classique grec sert de moyen détourné pour envoyer des messages codés derrière “essajra…” et que de dire de la subversion de la psy nationale, Sihem qui fouille dans l’impensé…
Les preuves accablantes ne manquent pas. Le big boss de Radio Corona, outre qu’il gagne sa vie en dollars et pas en dinars - vit à Providence. Certes, Providence se trouve à près de 800 km de Langley, en Virginie, où se trouve le siège de la CIA, mais cela ne prouve pas qu’il n’y a pas des accointances. N’essayez surtout pas de dire que cela ne prouve pas non plus qu’il y a des accointances, vous passerez pour un naïf, un demeuré, un idiot utile, un vecteur inconscient de la subversion.
Et là, ce sont les charges les moins lourdes. Bref, une radio qui s’amuse, qui s’offre la meilleure psy du Maghreb Central et fait plaisir à ceux qui l’écoutent, c’est forcément louche. Car on le sait, les radios patriotiques sont celles où l’on s’ennuie fermement, et où, comme moi, on baille au retour régulier du complot ourdi. Ce que j’ai dit de Radio Corona est à peine une caricature, c’est comme cela que fonctionnent ceux qui n’en finissent pas de le ressortir, ce complot ourdi.
La règle générale est que l’accusateur est toujours au pouvoir tandis que l’accusé est l’opposant. Mais l’accusé est aussi - et même assez souvent - celui qui a perdu le pouvoir, la branche morte que l’on charge de tous les maux. Y compris d’avoir comploté contre les intérêts supérieurs du pays.
Ne cherchons pas loin, parmi les pensionnaires des prisons actuellement figurent des gens qui décidaient hier qui étaient patriotes et qui ne l’étaient pas. Des gens qui dénonçaient, hier, à la moindre respiration non autorisée (don't breathe, men!) des mains étrangères et des conspirations.
J’avoue que j’ai de la peine à parler sérieusement de ce sujet. L’histoire n’est pas une longue suite de complot mais je sais que des complots existent. Mais le plus grand des complots ne ressemble pas un polar ou à un roman d’espionnage. C’est sans suspense. C’est systémique. C’est la routine des régimes autoritaires et des dictatures qui privent la société de cadres d’organisation libres et affaiblissent de ce fait ses mécanismes de défense.
Bachar al-Assad par exemple est ophtalmo de métier, mais il a été aveugle en politique: en réprimant les contestations politiques et sociales au lieu de réformer, il a ouvert un énorme boulevard à toutes les ingérences. La Syrie est aujourd’hui méconnaissable.
C’est clairement de l’aveuglement et de l’incompétence que se nourrissent les ingérences étrangères. Pas d’un complot, mais des déconstructions paranoïaques et perverses des régimes qui traitent leurs sociétés en mineurs quand ce n’est pas en menaces potentielles et en ennemis.
Tiens aux Etats-Unis, deux anciens ministres de la Défense ont réagi à l’idée avancée par Trump d’utiliser l’armée contre les manifestants: ce qu’ils ont dit est simple et fort: L’Amérique n’est pas un champ de bataille » et « nos concitoyens ne sont pas l’ennemi ».
Cela vaut pour les marcheurs du mardi et du vendredi, ce sont des Algériens qui aiment leur pays, qui veulent respirer et qui ne supportent pas de le voir abîmer. Les accuser de complot est aberrant. En réalité, c’est la banalité de l’incompétence et de l'imprévoyance - le propre des systèmes autoritaires - qui fait complot.
Prenons, un exemple. En 1994, l’Algérie passe par le FMI et par l’ajustement structurel. Une des recommandations du FMI est de permettre la retraite anticipée pour dégraisser l’administration et le secteur public. Le gouvernement a mis la chose en application à la lettre. Résultat, les meilleurs cadres du pays, des quadras et des quinquagénaires, empruntent cette voie de sortie, deviennent des jeunes retraités et vont en Occident commencer une autre vie. Les moins bons restent, des bons aussi ont résisté, mais en nombre insuffisant.
Cette décision a été désastreuse car elle a considérablement affaibli une technostructure algérienne patiemment - et bien formée - durant les 2 premières décennies de l’indépendance. Ce n’était pas un complot puisque c’était transparent. Mais ne pas deviner l’impact considérable de la mesure relève, au moins, d'une grave incompétence aussi bien politique qu’économique.
Autre exemple, en 2009, avec un discours très patriotique, on a institué la règle du 51/49% pour les investissements étrangers et le droit de préemption en cas de cession des actifs étrangers en Algérie. En apparence, c’est très nationaliste et cela répondait au fait que le groupe Lafarge était entré en Algérie, par le biais d'un jeu boursier en rachetant Orascom. Sans passer par les autorités algériennes.
Dans les faits, ces mesures, qui étaient en vigueur et à juste titre dans le secteur pétrolier depuis 1971, n’ont fait que bloquer les investissements étrangers hors hydrocarbures. Qui étaient les vrais gagnants de ces mesures? Les importateurs bien sûr, qui avaient un pied dans le pouvoir. Les entreprises étrangères dissuadées par ce dispositif ne sont pas venues en Algérie mais rien n’empêchait que leurs produits y entrent et se vendent. Grâce aux importateurs! Ce n’était pas un complot, mais un choix politique. Qui a été possible car ceux qui décident ne rendent pas des comptes.
Pour conclure, non, Radio Corona n’est pas un complot. Nous le savons bien et les accusateurs éventuels le savent.
Dans l’histoire des nations, la part des complots n’est pas déterminante, ce qui est déterminant c’est la manière dont le pays est organisé, si ceux qui le dirigent ont l’assentiment ou pas des citoyens. Ce qui est déterminant, c’est l’obligation de rendre de comptes, c’est la séparation des pouvoirs, ce sont les contre-pouvoirs, ce sont les libertés. Ce sont ces choses qui réduisent la marge du complot banal de l’incompétence et de l’imprévoyance. Et de la hogra, surtout de la hogra. C’est pour cela que les Algériens d’ici ou d’ailleurs ne sont pas des envahisseurs mais des bâtisseurs.
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