samedi 13 juin 2020

Sur la gauche en général et sur la gauche "madkhalie" en particulier

Chronique sur Radio Corona - Emission n° 27



السلام عليكم. اهلا بكم في راديو كورونا في ظل وباء المؤامرة 



Il est urgent de sauver les idées de gauche du complotisme ambiant.  Certes le complotisme n’est pas l’apanage de la gauche, ni  des régimes autoritaires. Toute la gauche n’est pas complotiste! Dieu merci, et ce sont souvent ceux qui sont au prise avec la réalité du terrain qui ne le sont pas et qui  n’ont pas tendance à chercher, à chaque fois et à tout bout de champ, les explications des problèmes du pays , dans les manoeuvres des officines de l'impérialisme. 

En Algérie, comme ailleurs, la gauche a fait oeuvre utile en défendant une vision progressiste, même si elle est entrée, comme ailleurs aussi, en crise avec la chute de l’ex-URSS et la montée de l’islamisme. Il lui reste toujours à se renouveler ou à se réinventer. Je ne vais pas entrer dans les détails de l’histoire de la gauche algérienne qui n’est pas homogène.. Mais disons, pour simplifier, qu’avec la liquidation du PAGS (parti de l’avant-garde socialiste) en 1993 après la mise à l’écart de Sadek Hadjeres,  ancien du PPA puis du PCA, ce fut la grande dispersion. 

Sadek Hadjeres continuera d’être présent de temps à autre dans les médias mais la parole de gauche a été de fait monopolisée dans ce contexte très violent par feu Hachemi Cherif. C’est une parole où l’approche sociale et les luttes concrètes sont abandonnées au profit d’une lecture  hyper-idéologique et d’un anti-populisme qui a souvent viré à l’anti-peuple, à la haine contre les classes dites dangereuses coupables de penchant islamistes.  

En 92, par exemple, il était de bon ton dans certains milieux de dire qu’il ne faut pas organiser d’élections avec des “gueux” majoritairement “ analphabètes”. Les choses vont être poussées  jusqu’à la caricature par le groupe du Front de l’Algérie Moderne, l'infâme FAM, qui a décidé - sans se faire censurer d’ailleurs - qu’il y avait deux peuples en Algérie, un intégriste et un moderniste, et qu’il fallait organiser la séparation entre les deux. Rien que ça!.

Durant cette période, le discours complotiste était devenu  violent et incantatoire;  Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella et Abdelhamid Mehri vont être accusés de servir des intérêts étrangers et de trahir la patrie.  C’est une histoire à écrire. Mais certains de ceux qui prétendent incarner la gauche ou le souverainisme- les “marguines” pour reprendre la formule ironique de l’architecte Achour Mihoubi - continuent aujourd’hui de jouer au procureurs et de trouver une infinité de mains étrangères qui manipuleraient le Hirak des Algériens. 


A la base, il y a une vision tronquée, pauvre et indigente de l’Algérie et du monde. La scène internationale avec ses enjeux économiques et stratégiques est globalement marquée  par les rapports de force et le droit international lui-même en est l’expression.  C’est une réalité vieille de plusieurs siècles et la bonne réponse n’a rien de mystérieux: s’organiser, au mieux, en interne pour négocier sa place ou pour se défendre. Plus l’Etat et les institutions bénéficient du soutien des citoyens et plus sa capacité de négocier et de se défendre est grande.  Il n’est pas sorcier de savoir comment l’adhésion des citoyens se fait et comment elle se défait. 

Les complotistes ignorent délibérément - ils ne sont pas bêtes, ils sont en mission,- la question interne pour focaliser sur les menaces extérieures. Un militant de Raj qui rencontre des militants étrangers, un activiste des droits de l’homme qui participe à une rencontre organisée par une ONG, ces choses-là sont présentées sous un jour sombre et on tisse derrière des intrigues à n’en pas finir. 

Pourtant, ces militants qui seraient une "cinquième colonne" n’ont aucun pouvoir et rien de ce qu’ils pourraient faire ne peut avoir d’incidences. Rien à voir avec les actes des détenteurs de pouvoir comme Chakib khelil, Bouchouareb, Ouyahia et tant d’autres… Ils n’étaient pas nombreux ceux qui questionnaient les actions de ces derniers, jusqu’à ce que le Hirak les déboulonne. 

Quand on a une flopée de ministres et  deux anciens premiers ministres en prison, le moindre des constats à faire est de dire qu’un système qui n’a pas été en mesure d’empêcher leurs agissements est une “menace” autrement plus sérieuse qu’il faut traiter au lieu de fabriquer des mauvais polars.

Comme les madkhalis... 

En  définitive, cette menace extérieure, est servie pour être l’argument massue à opposer aux citoyens:   ne contestez pas, ne faites rien, sinon vous allez servir les étrangers. Sous des allures modernes, ces complotistes rejoignent en fait les salafistes les plus réactionnaires, les madkhalis, qui prônent une soumission totale au  wali al-amr, le « détenteur de l’autorité. Cette gauche madkhalie est de fait un salafisme qui nie aux citoyens le droit de se mêler de leurs affaires.  Et comme l’Algérie ne vit pas en autarcie et que des Algériens voyagent, rencontrent des étrangers, font du business ou participent à des rencontres, les possibilités de fabriquer des complots ourdis sont infinies. 

J’ai suivi, en journaliste, donc avec beaucoup d’attention, le déclenchement de la crise syrienne en 2011. Il y a eu des manifestations à Deraa contre le régime, il était évident que la bonne réponse était de dialoguer et de réformer en toute urgence.  Le régime a réprimé. Les  ingérences étrangères, bien réelles et multiformes, sont venues après cette mauvaise réponse. Le complotiste “patriote” ou de “gauche” occultera la première séquence, celle de  l’immense responsabilité du régime syrien qui a apporté la pire des réponses à des demandes politiques légitimes, pour focaliser sur les conséquences.  

C’est le modèle-type du raisonnement complotiste, la menace extérieure ou le péril islamiste servant de base pour le  rejet de la démocratie et pour la défense du régime. C’est affligeant! Que l’islamisme ne soit pas une alternative de gouvernement est défendable,  mais qu’on l’agite, lui et la main étrangère, pour justifier que la perpétuation des systèmes autoritaires est une imposture. Ce sont les systèmes autoritaires qui minent les nations.

 Cette fausse gauche est en fait un simple décorum  du wali al-amr omnipotent,  tout comme le sont les salafistes madkhali. Cela ne donne que plus de mérite aux vrais militants de gauche qui n’entretiennent pas les confusions et ne rendent pas les peuples responsables des méfaits des gouvernants.

J’en profite pour saluer Sadek Hadjeres, un militant à l’expérience historique extraordinaire. En juillet 2019, je l’ai rencontré dans un hôpital où il se soignait à la suite d’une chute. Lui avait une appréciation autrement plus positive à l’égard du hirak. Il avait adressé un message aux jeunes Algériens, le voici: “ Votre mouvement populaire et démocratique se trouve face à des enjeux énormes. S’il continue à être guidé par essilmiya, al ittihad wal fehama, c’est votre plus puissante arme pour venir à bout des obstacles nationaux et internationaux  considérables.”. 

Voilà, restons dans la Silmiya, al-itihad et el fhama. 



1 commentaire:

Unknown a dit…

Bonjour
Merci pour cette contribution. Il est important que l'on parle de cette gauche incarnée par le Pags en particulier. La théorie (si l'on peut dire) du peuple moderne et du peuple inculte a jalonné les débats au sein du des cellule du Pags. Son apogée a été atteinte lors de la préparation du congrès ouvrant la voie à sa sortie de clandestinité. On a lu des articles dans Algéerie actualité où l'on vantait les bienfaits du colonialisme et d'autres sur ce peuple inculte qui ne suivait pas la ligne décrite dans Saout Echaab. En vérité au sein du Pags il y avait deux types de militants, les héritiers et les autres issus des quartier populaire de Babel oued, Belcourt, Hussein Dey, La montagne, El Harach. Des militants tous issus de familles modestes connaissant de façon précise le "peuple". C'est ainsi qu'avec l'arrivée de Chadli, de l'Infitah et le soutien condionnel à Chadli proné par le parti, une grave fissure a vu le jour entre les militants héritiers et las autres. C'est ainsi que beaucoup de militants refusaient de suivre la ligne du parti. Je ne voudrai pas parler des méfaits des responsables au plus haut niveau en France. Un jour ceci devra être écrit. J'ai rencontré une seule fois pendant une semaine dans un camp à Damous El Hachmi Cherif. J'avoue que certains étaient en adoration devant lui moi bof, bof.
Parlons de la gauche à Présent. Il est aisé jusqu'en 85-90 de parler de la gauche parce que Cuba, l'Urss, etc... Les divergences entre militants ont commencé à apparaitre avec Solidarnoc. Je ne crois pas que événements extérieurs seul ont entrainé la déconfiture du Pags. Le verre était dans le fruit depuis 80. La chute du mur de Berlin a fait voler en éclats l'unanimisme le suivisme etc..
Peut-on parler de gauche ? Et que signifie être de gauche aujourd'hui. Ce débat traverse aussi la "gauche" française où les repères habituels ont tous disparu. La France insoumise a apporté une nouvelle vision de ce qui pourrait être la gauche. De mon point de vue être de gauche c'est d'abord et avant tout être anticapitaliste, être contre la financiarisation de l'économie, être pour des institutions au service du peuple. Parce que je pense que les classes sociales sont toujours présentes.
Qu 'en est-il pour notre pays. Le néo-libéralisme forcené s'est installé dans notre pays avec l'Infitah avec les deux classes sociales antagonistes en formation. Les dégats causés ont fait qu'une classe s'est paupérisée jusqu'à devenir un lumpen-prolétariat qui a plongé dans l'économie de l'informel et l'autre est devenue une bourgeoisie comprador inculte et puissante.
Le Hirak ne peut pas générée une culture de gauche et c'est tant mieux.
Voila ce que m'inspire cette contribution.