mercredi 14 mai 2008

Le Maghreb : cinquante ans d’attente

Le Maghreb : cinquante ans d’attente

Le Maghreb est en attente depuis, au moins, cinquante ans. La conférence de Tanger du 27 avril 1958 qui a regroupé les partis nationalistes maghrébins, l’Istiqlal marocain, le Néo-Destour tunisien et le FLN algérien, a donné un contenu à l’idéal maghrébin. Le journal Le Monde titrait : « La Conférence de Tanger préconise : la création d’un « gouvernement algérien », une assemblée consultative du Maghreb, l’appui de Rabat et de Tunis au FLN ». Si l’indépendance de l’Algérie, déjà inéluctable à cette époque, la perspective maghrébine dessinée à cette conférence reste en attente. Pour les anciens militants, c’est une blessure et un énorme reste à réaliser. Les choix politiques et économiques, très différents, qui ont été fait au moment des indépendances ont éloigné la perspective. On se souvient de Houari Boumedienne, défendant un « Maghreb des peuples » par opposition à un Maghreb des Etats. Sauf que la réalité, encore valable à ce jour, est celle d’une faiblesse des sociétés civiles par rapport aux Etats. L’impulsion maghrébine, en raison même du déficit démocratique des différents régimes, ne pouvait venir que des Etats. Le conflit du Sahara Occidental, apparu au milieu des années 70, allait devenir un élément de plus entravant la marche maghrébine alors même qu’au plan des doctrines économiques ne sont plus devenues antagoniques. Quand l’Union du Maghreb Arabe a vu le jour, le 17 février 1989, à Marrakech, beaucoup ont caressé l’espoir d’un retour à l’esprit fondateur de la conférence de Tanger. Un an auparavant, le 10 juin 1988, les cinq chefs d’Etats avaient institué une Grande Commission qui a mis sur rail cette Union du Maghreb arabe. En 1989, au moment du lancement de l’Union du Maghreb Arabe, le conflit du Sahara Occidental avait 14 ans. Cela signifie que les chefs d’Etats présents à Marrakech n’ignoraient pas qu’un problème se posait entre les aspirations des sahraouis à l’indépendance et les prétentions marocaines sur le Sahara. Le pari maghrébin se fondait sur le postulat que la question du Sahara Occidental ne devait pas constituer une entrave à la construction de l’UMA.

Le pari perdu de l’UMA

19 ans après cet évènement historique de Marrakech, l’Union Maghreb est moribonde, très loin de l’esprit visionnaire de Tanger. Le pari sur une dynamique maghrébine qui transcenderait le problème du Sahara Occidental est perdu. Le niveau des relations entre les deux plus grands Etats du Maghreb, l’Algérie et le Maroc, n’est pas même pas « normal ». La question du Sahara Occidental a été, coté marocain, un ferment du renouveau de la sainte alliance nationaliste autour de la monarchie. A quelques rares exceptions, comme le mouvement d’extrême gauche, les forces politiques marocaines ont de la récupération des « provinces du sud » une question nationale vitale. L’idée d’une séparation entre la question du Sahara Occidental et la construction de l’Union Maghreb s’est heurtée rapidement à l’approche marocaine. Les choses se dégraderont davantage en 1994 à la suite de l’accusation, infondée, lancée par le Maroc à l’encontre des services algériens au sujet de l’attentat de Marrakech. Le Maroc a instauré le visa pour les Algériens, l’Algérie a répondu par l’instauration du visa et la fermeture de la frontière terrestre.

Le coût du non-maghreb

Quand rien ne va entre les deux pays les peuplés du Maghreb, la machine ne peut que se bloquer. Il est devenu pratiquement impossible de réunir un Sommet de l’UMA, le dernier a eu lieu à Tunis les 2-3 avril 1994. Un sommet prévu en 2005 à Tripoli a été reporté à la dernière minute. Aujourd’hui, cinquante après, on ne peut que constater que les difficultés de la construction du Maghreb sont liées à celle de la démocratie. Alors que les pays maghrébins ont signé, dans la dispersion, des accords d’association avec l’Union Européenne, les échanges économiques entre maghrébins peinent à dépasser les 3% des échanges extérieurs de chacun des pays concernés. Des économistes ont fait des calculs sur le coût du non-maghreb : une perte de 1 à 2% de croissance par an pour chaque pays. Certains estiment que le manque de croissance atteint 3%. Pour avoir une idée de l’ampleur du manque, il faut savoir que 1% représente plus de 10 milliards de dollars de valeur ajoutée par les pays maghrébins.

Ahmed Selmane

27 avril 2008

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