mercredi 14 mai 2008

PROMESSES D’AVRIL

PROMESSES D’AVRIL

Est-ce parce qu’il est plein de promesses que le mois d’avril commence toujours par un gros poisson ? Si vous êtes nés le 27 avril en l’an IV de la révolution algérienne, que vous-vous sentez déjà fourbu sans être peinard, c’est que vous avez la cinquantaine mauvaise, avec ses tonnes de dépits, le lumbago qui pointe et le corps qui bedonne. Vous regardez peut-être les jours passer avec cette molle vigilance qui vous pousse, non plus à espérer, mais juste à vérifier que rien ne va comme prévu ; que les lendemains ont définitivement déchanté pour les quinquagénaires : ils ont, au mieux, une expertise à donner, mais en règle générale ils sont au service de gérontes. Ce qu’ils partagent avec les jeunes ? Juste, la mentalité harraga, le passage à l’acte en moins. Si vous cherchez, vous découvrirez que vous êtes né dix jours après le début de l’Exposition universelle de Bruxelles, évènement que beaucoup de belges s’apprêtent à en commémorer le souvenir. Vous pourriez dire que la Belgique est un pays problématique divisé entre Wallons et Flamand. Mais pour peu que vous abandonniez votre mauvaise foi de quinqua blasé, vous savez déjà que le plat pays est dans l’Europe et que cela relativise grandement le problème. Par contre, j’entends déjà vos sarcasmes quand vous saurez que quelques semaines avant votre naissance, le 1er février 1958 pour être précis, le président Gamal Abdennasser a annoncé la création de la République arabe unie, RAU pour les intimes, regroupant l’Égypte et la Syrie. Ah, le panarabisme ! Cinquante ans plus tard, c’est quoi donc, la République de Nasser ? Un président qui approche les 80 ans et qui se prépare à laisser la place au fiston, cela doit bien correspondre à votre humeur de cinquantenaire « m’diguouti ! ». Peut-être vous sera-t-il plus plaisant d’apprendre que le mois suivant votre naissance, Cannes a accordé la palme d’or à « Quand passent les cigognes », film du réalisateur soviétique Mikhaïl Kalatozov. Un film poignant. Mais je vous voir venir : heureusement que Kalatozov a eu la bonne idée de se tirer de ce monde en 1973 et qu’il n’a pas assisté à l’effondrement de l’Union soviétique qui nous a laissé si dépourvu ! Votre humour reviendra-t-il si l’on vous rappelle qu’au cours de ce même mois de mai, Mao, le grand timonier, a lancé le « Grand bond en avant » qui devait permettre à l’économie de « marcher sur les deux jambes » et de rattraper la Grande Bretagne en 15 ans. Il a fallu attendre cinquante ans, l’abandon du purisme maoïste, mais la Chine a bien fait le grand bond en avant et laisse la Grande Bretagne loin derrière. Heureux, les cinquantenaires chinois, ils en ont vu des choses. Il y en a eu beaucoup d’autres, mais le 27 avril 1958, au jour de votre naissance, des militants nationalistes étaient réunis à Tanger et ont fait une grande promesse de Maghreb. Cinquante ans plus tard, à votre anniversaire, vous n’allez quand même pas dire un « bof » de vieux, le Maghreb c’est une idée jeune. Que faire ? Rêvons donc d’une association algéro-marocaine des natifs du 27 avril 1958 s’offusquant que les relations entre les deux pays ne soient même pas normales ! Les algériens du 27 avril 1958, du haut de leur cinquantaine fatiguée, pourraient dire, malgré Yazid Zerhouni, ce que l’écrasante majorité des algériens pensent : la frontière fermée, c’est absurde ! Les quinqua marocains pourraient aussi dire, ce que les officiels marocains répugnent encore à dire : pardon, on s’est complètement planté en accusant les services algériens de l’attentat de Marrakech en 1994. Quinquagénaires du Maroc et d’Algérie, bougez vous donc, cessez d’attendre quelque chose des chefs, la promesse d’avril 1958 ne peut quand même pas attendre cent ans !

Ahmed Selmane

14 avril 2008

Aucun commentaire: